Critique Perlatette [2017]

Le jeu dont nous allons parler aujourd’hui ne vous est probablement pas inconnu, puisqu’il s’agit d’un des trois nominés des As d’or 2018 dans la catégorie jeu enfant. Positionnement familial oblige, le thème de Perlatette fait dans le choupignon (un mélange de choupi et le mignon) :

 « Dent de dragon et patte d'araignée, mais où est donc passé mon livre de sorcière? » pleure la petite sorcière. Heureusement, des petits lutins jaillissent des bois et lui proposent de l'aider. Aidez la sorcière à parcourir la forêt pour retrouver ses objets magiques et elle vous récompensera. Dans ce jeu, les joueurs devront faire preuve d'adresse et d'habileté pour incliner le plateau de façon à diriger la sorcière dans la forêt. Mais attention aux trous dans le sol qui risque de la bloquer, et aux branches basses des arbres qui risquent de lui faire perdre son chapeau.

D’un point de vue mécanique, Perlatette reprend le concept des labyrinthes à bille. Mais si, vous savez, ces planches en bois pleines de trous dans laquelle vous devez pencher le plateau dans tous les sens afin d’emmener la bille d’un point A à un point B sans qu’elle ne reste bloquée quelque part.

Ne fuyez pas, ça revient à la mode : même The Legend of Zelda : Breath of the Wild a fait une dizaine de puzzles sur ce principe (c’est dire). Perlatette entend transposer l’expérience en jeu de plateau, en s’appuyant sur une réalisation qualitative et dans l’air du temps.

La planche en bois, par exemple, a été remplacée par du carton bien épais, parfaitement adapté à la manipulation par les plus jeunes. Le pivotement est réalisé au moyen de blocs de mousse disposés aux quatre extrémités de la boîte de jeu : il suffit d’appuyer sur un coin du plateau pour l’incliner dans la direction voulue. Simple et efficace.

La bille est surmoulée dans une petite figurine en forme de sorcière. L’ensemble est solide, la bille ne risque pas de s’échapper et de finir dans le gosier de votre petit dernier. Ça tombe bien, j’imagine que vous vous y êtes attaché, et en plus il n’est probablement même plus sous garantie. La sorcière a également un chapeau en équilibre sur la tête : celui-ci est conçu pour tomber en cas de mouvement trop brusque ou en cas de contact avec un obstacle. Rapport au nom du jeu, toussa toussa.

Le plateau comporte en effet une dizaine d’arbres en carton qu’il va falloir éviter au cours de vos déplacements. Ils sont mignons comme tout, et apportent vraiment du cachet à l’ensemble. Entre deux parties, ils se démontent et se rangent en quelques secondes dans la boîte. Visuellement parlant, le jeu est donc vraiment sympathique, avec un thème présent et bien rendu.

Une manche se déroule en temps limité. Pas besoin d’application pour jouer : on retourne un sablier, à l’ancienne, et c’est parti. Le plateau comprends huit zones contenant les affaires de la sorcière : son chaudron, son balais, sa boule de cristal, etc. On retourne une tuile qui indique l’emplacement sur lequel il faut se rendre. Si le sablier se vide, si la sorcière perd son chapeau ou si elle tombe sous un trou, la manche s’arrête immédiatement. En revanche, si elle arrive à bon port on tire une nouvelle tuile destination et ainsi de suite.

La grosse originalité de Perlatette vient de son côté coopératif. En effet, chaque manche se joue à deux. Les partenaires se répartissent les 4 coins et doivent s’entendre pour faire aller la sorcière dans la bonne direction. Pas de jaloux ni de compétition : ils marqueront le même

Sur le papier, ça rend bien. Pourtant, en pratique je suis moins convaincu. Primo, le jeu est plutôt difficile et demande pas mal d’habileté. Lors d’une partie avec un enfant et ses deux parents, inutile de dire que les adultes vont marquer beaucoup plus de points lorsqu’ils seront ensemble. Votre bout-de-chou ne pourra donc pas gagner, ou en tout cas il verra que vous vous débrouillez mieux que lui. Et vous connaissez la tolérance à l’échec des plus jeunes.

Deuxio, l’absence de compétition rend les parties assez molles, sans véritable enjeu. On déplace la sorcière, on collecte des tuiles, on ramasse des points qu’on planque très vite dans le trou du plateau à sa couleur, et à la fin un des joueurs apprend qu’il est le gagnant.

Alors oui, la formule plaira très certainement aux parents qui sont à la recherche d’une mécanique originale, ou à ceux qui souhaitent trouver un jeu dénué de compétition. D’autant que le résultat est tout à fait sympathique : il demande de l’adresse, de la coopération, de la résistance à la pression. Super. Mais nous jouons très régulièrement avec notre petite fille. Et autant il ne se passe pas un jour sans qu’elle ne demande un Troll & Dragon (qu’on a acheté un peu près en même temps), autant Perlatette commence sérieusement à prendre la poussière sur l’étagère et elle n’y prend pas plus de plaisir que ça… Le jeu n’est pas mauvais, ça non, mais fort tristement pour lui il y a beaucoup mieux en face.