Critique 7 Ronin [2019]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le jeudi 11 juillet 2019 à 09h00

Un jeu à deux qui ne risque pas de finir en engueulade

Don’t panic Games est un petit éditeur spécialisé dans les licences avec un univers thématique fort. C’est souvent pour le meilleur (on pense par exemple à Champions de Midgard, Deck-Building DC Comics ou Tokyo Ghoul - Bloody Masquerade) même s’il y a aussi quelques canards boiteux au passage (coucou, L'académie des savants fou).

Ce type de licence doit vraiment être compliqué à négocier, vu le laps de temps complètement hallucinant entre la VO et la VF. 7 Rōnins, la boîte dont nous allons parler aujourd’hui, ne déroge pas à la règle : la version originale date de 2012, ce qui signifie qu’il a fallu 7 ans pour la localiser dans la langue de Doc Gyneco.

Le nom des auteurs – Piotr Stankiewicz et Marek Mydel – ne vous dira sans doute pas grand-chose. Si ce n’est qu’ils sont polonais, un pays plutôt actif dans le jeu de société et à l’origine de quelques pépites ludiques. Ce n’est pas ceux qui ont essayé Detectives, As d’Or 2019 catégorie expert, qui diront le contraire…

Qui plus est, 7 Rōnins joue la carte de l’originalité : il s’agit d’un jeu à deux, aux parties courtes, doté d’une excellente profondeur stratégique et d’un gameplay complètement asymétrique. Le mélange est plutôt réussi dans l’ensemble, même si l’équilibrage fera grincer quelques dents… Mais assez spoilé, et place à une présentation détaillée de la bête.

Dépaysement garanti

Au niveau du thème, 7 Rōnins s’inspire plus ou moins fidèlement des 7 Samouraïs, le chef-d’œuvre intemporel d’Akira Kurosawa. Ce dernier a déjà connu de nombreux hommages et adaptation, on peut penser notamment au célèbre western de John Sturges. En revanche, on n’attendait pas forcément à une déclinaison en jeu de plateau plus de 65 ans après la sortie de l’original…

Fort heureusement, le thème a été un peu dépoussiéré au passage. Les bandits sont par exemple remplacés par des Ninjas, livrés avec tout leur équipement de série (shurikens, fumigènes et bandeau classe et discret sur le front).

Les 7 protagonistes n’ont pas le même nom dans le jeu et dans le film, même si on tourne toujours autour des mêmes références. Musashi, par exemple, renvoie à Musashi Miyamoto, le plus grand épéiste de l’époque du Bushido. La boucle est bouclée, puisque ce personnage avait déjà servi de source d’inspiration pour Kyuzo, un des personnages des 7 Samouraïs.

Bref, le contexte du jeu a été particulièrement soigné, que ce soit au niveau du graphisme, du contenu ou des références. C’est assez exceptionnel pour un jeu vendu dans cette gamme de prix, et les amateurs de culture japonaise n’ont tout simplement aucune excuse pour passer à côté.

Le manuel est bien écrit, peut-être même un peu trop détaillé pour le coup… Chaque mécanique est en effet contextualisée par un petit paragraphe explicatif. Encore une fois le souci du détail des auteurs force le respect, en revanche, le temps de lecture des règles double le temps de la première partie. C’est long, très long, trop long et cela pourra même rebuter les plus impatients.

La direction artistique, pour finir, est vraiment réussie. L’ambiance japonaise est bien rendue. L’iconographie n’est pas forcément évidente mais tout se passe bien avec l’aide de jeu fournie. Là encore, le résultat est irréprochable, surtout au vu du positionnement tarifaire de la bête.

Pour terminer sur un point de détail, je ne m’explique pas le titre « 7 Ronin » et son dual combo faute d’orthographe / faute de grammaire. Ça pique quand même sacrément les yeux ! Dans cette chronique, le jeu sera donc nommé 7 Rōnins mais ne vous étonnez pas de ne pas le trouver en boutique sous ce nom.

Niveau mécanique, beaucoup de petites subtilités

7 Rōnins raconte l’affrontement d’un gang de ninjas sans scrupules à sept mercenaires, engagés par des villageois pour protéger leurs réserves de nourriture. L’un des joueurs va incarner les « méchants », dont l’objectif sera de piller le village avant que l’hiver ne s’installe, tandis que l’autre prendra le contrôle des « gentils » bien déterminés à faire triompher l’ordre et la justice.

Une partie de 7 Rōnins se déroule en 8 tours, représentant les 8 jours que dure l’attaque des Ninjas. Chaque tour est lui-même divisé en 3 Phases :

  • Phase de Planification : les joueurs planifient secrètement où ils vont positionner les Rōnins et les Ninjas dans le village. La programmation des deux joueurs est révélée simultanément, les pions sont ensuite placés sur le plateau Village
  • Phase de Combat : le « gentil » applique les capacités des Rōnins. Chaque Ninja survivant présent sur la même case qu’un Rōnins lui inflige 1 blessure avant de disparaître. Enfin, les deux joueurs résolvent les Effets des différentes zones du village.
  • Phase Finale : les Rōnins sont retirés du plateau, tandis que les Ninjas encore en vie restent en place. Le compteur de tour avance et le « méchant » décide du nombre de Ninjas qu’il va placer au prochain tour.

Pas grand-chose à en dire, si ce n’est que chaque zone et chaque Rōnin dispose de son petit pouvoir spécial bien à lui. Certains pouvoirs de Rōnins ne fonctionnent que s’ils sont en présence de Ninjas, d’autres ont besoin au contraire de se trouver au calme :

L’ensemble est relativement classique, mais se combine bien histoire d’offrir un large éventail de possibilités. En revanche, l’aide de jeu est indispensable à côté de soi en cours de partie.

L’Attaquant gagne immédiatement si :

  • Il a éliminé tous les Rōnins et possède au moins un Marqueur Ninja, sur le Plateau Village ou dans sa Réserve. Sans défenseurs, le village est à nouveau à la merci du clan ninja.
  • Il occupe 5 Zones différentes (ou deux Champs et deux autres Zones) à la fin d’un tour. Les ninjas ont envahi le village, et peuvent désormais repousser toute tentative de les déloger.

Le Défenseur gagne immédiatement si :

  • Il a éliminé tous les ninjas du Plateau Village et le « méchant » n’en a plus en réserve. Le clan ninja a été éliminé une bonne fois pour toutes.
  • La Phase Finale du 8ème tour est atteinte et l’Attaquant n’a pas atteint ses conditions de victoire. Les importantes chutes de neige forcent les ninjas à se replier dans leur repaire, sans quoi ils risquent la mort.

Par contre, il y en a un qui va transpirer plus que l’autre

On l’a dit plus haut, 7 Rōnins est un jeu fortement asymétrique. Côté Ninja, toute la problématique va consister à gérer judicieusement son stock de Jean-Jacques. Il y en a 40 à utiliser sur les 8 tours de jeu, ce qui fait une moyenne de 5 séides par tour. Il n’est pas possible de faire n’importe quoi : le jeu impose à la fois une quantité minimale et maximale à jouer. Impossible par exemple de passer les deux ou trois premiers tours sans rien faire et de réaliser subitement une énorme offensive…

Une première façon de l’emporter peut consister à envoyer des grosses escouades de ninjas à la rencontre des Rōnins, afin de les exterminer le plus rapidement possible. Ces derniers ont en effet une santé limitée, et la plupart ne peuvent supporter que 3 ou 4 coups avant de succomber.

En pratique, il n’est pas nécessaire de tuer tout le monde pour gagner. La carte comporte en effet 10 territoires, et il suffit aux « méchants » d’en contrôler 5. La partie devient donc un peu plus difficile pour les « gentils » pour chaque héros qui passe de vie à trépas.

Il est également possible de saupoudrer un peu plus ses effectifs lors du premier tour, puis d’utiliser les survivants comme des appâts. Vous savez que votre adversaire va envoyer ses personnages les plus résistants pour faire le ménage sur les cases en question, à vous de mettre les moyens en face pour les achever – ou pour aller chercher les plus faibles tandis qu’ils seront sans défense.

Côté Rōnins, en revanche, les choses sont nettement plus simples. Il va falloir parcourir régulièrement toutes les cases du plateau, histoire de ne pas laisser les ninjas s’installer. Il va également falloir faire tourner les effectifs, afin de profiter des synergies entre les différents personnages et de répartir les blessures afin que personne ne meure.

L’exercice n’est pas évident sur les premières parties, surtout pour le « méchant » qui se prendra très probablement quelques belles roustes au passage. Car – et c’est le principal reproche que l’on peut faire à l’ensemble – les deux camps ont une courbe d’apprentissage assez différente. Il est nettement plus difficile d’incarner les Ninjas, et une excellente maîtrise des différents pouvoirs est impérative si l’on veut donner du fil à retordre à son adversaire. S’il l’on ne parvient pas à mettre au moins 1 ou 2 héros au tapis dans les premiers tours, la partie est en général perdue.

C’est clairement un point rédhibitoire si vous recherchez la compétition à tout prix, mais c’est un peu moins gênant si vous comptez jouer en couple. A la maison, par exemple, ça nous arrive régulièrement de le sortir alors que ma miss boycotte énormément de jeux à deux où elle en a marre de se faire dérouiller en boucle. Que voulez-vous, je suis beaucoup plus à l’aise qu’elle dans les mécaniques d’affrontements. A 7 Rōnins, j’incarne exclusivement les Ninjas et les parties sont en général bien tendues, même s’il faut reconnaître que les « gentils » gagnent quand même un peu plus souvent à la fin.

Le résumé pour les plus pressés

Public cible : 14+
Il n’y a rien de choquant dans l’univers et les illustrations. Dans l’absolu, rien n’empêche d’essayer avec des plus jeunes, en leur laissant bien entendu incarner les « gentils » histoire que le partie ne finisse pas en ragequit.

Nombre de joueur : 2

Durée de partie : 30 minutes
Les parties tournent autour de la demi-heure, installation et rangement compris, voire un peu plus si le chef des Ninjas est un optimisateur fou. Comptez un peu plus pour la lecture des règles, ce qui est inhabituel sur un jeu de ce format.

Interaction : 100% compétitive
Deux joueurs et deux camps qui s’affrontent à mort. Du jeu compétitif dans toute sa splendeur.

Rejouabilité : bonne
La rejouabilité est satisfaisante, pour peu que vous accrochiez au concept. Avec 7 personnages et 10 lieux aux pouvoirs bien différenciés, cela laisse pas mal de possibilités à expérimenter.

Courbe de progression : moyenne pour les Rōnins, bonne pour les Ninjas
Le jeu offre une forte asymétrie, avec des camps très tranchés qui se jouent d’une manière complètement différente. Le camps des « gentils » est plus simple à appréhender, tandis que le camps des « méchants » nécessitera une meilleure maîtrise des règles. Une bonne dose de chance peut aider, aussi. C’est un titre idéal pour les couples où l’un des deux partenaires serait plus à l’aise avec les jeux d’affrontement, le différentiel de difficulté jouant en quelque sorte le rôle de handicap.

La conclusion de à propos du Jeu de société : 7 Ronin [2019]

Auteur Gaetan G.
75

7 Rōnins est un petit jeu à deux tout à fait sympathique. Il est doté d'indéniables qualités, on peut citer par exemple un thème original placé au cœur des mécaniques ou un bon niveau de complexité au vu du format court des parties.

Deux camps vont s’affronter à mort : les gentils Rōnins, plus faciles à maîtriser et donc largement dominants lors des premières parties, et les méchants Ninjas, qui révèleront leur potentiel au fil du temps.

C’est donc un titre dont on profite sur la durée, et il est idéal pour les couples où l’un des deux partenaires est plus à l’aise avec les jeux d’affrontement. Le différentiel de difficulté entre les deux camps jouera en quelque sorte le rôle de handicap.

Ceux qui sont à la recherche d’un jeu équilibré aux petits oignons peuvent en revanche passer leur chemin, il y aura toujours un petit doute sur l’équilibrage qui viendra ruiner leurs parties.

On a aimé

  • Thème original
  • Réalisation soignée
  • Un jeu à deux complètement asymétrique
  • Parties courtes

On a moins bien aimé

  • Camps Ninja beaucoup plus difficile à maîtriser. Les premières parties virent en général au jeu de massacre, le jeu s'équilibre au fil des matches
  • Règles un peu longues
  • Aide de jeu obligatoire à portée de la main pendant la partie

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