Critique Attrape Rêves [2020]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le jeudi 11 juin 2020 à 09h00

Que vaut réellement l'As d'Or 2020 catégorie enfant ?

Autant  je suis en général plutôt d’accord avec les sélections du jury des As d’Or dans les catégories « famille » et « expert », autant il m’est arrivé d’être beaucoup plus dubitatif pour la catégorie « enfant ».

L’année dernière, par exemple, la sélection m’avait laissé complètement froid, entre un Monsieur Renard pas très original et un Perlatette dont le concept retombait plus vite qu’un soufflé mal cuit. Fort heureusement, l’année 2020 semble faire partie des grands crus.

En premier nominé on retrouve La Vallée des Vikings, un excellent titre simple et finaud qui a tout raflé au festival d’Essen. Il y a ensuite Yum Yum Island, un titre que mes enfants adorent et qui repose sur la coopération à l’aveugle entre les petits et les grands. Le dernier nominé – et le tenant du titre – est bien entendu Attrape rêves, dont nous allons parler plus en détail aujourd’hui :

« Tous les enfants le savent. Un mauvais rêve peut facilement venir gâcher une bonne nuit de sommeil. Mais heureusement, les doudous existent pour les aider à affronter leurs pires cauchemars et les transformer en jolies histoires. Dans Attrape Rêves, les petits joueurs devront utiliser leur sens de l’observation afin de choisir le meilleur doudou qui anéantira le cauchemar chahuteur. »

Sans trop spoiler la suite de cette chronique, il s’agit d’un jeu d’initiation pensé pour les plus jeunes puisqu’il est accessible dès les 3 ou 4 ans selon la curiosité de l’enfant. Mouais… Allez, les Space Cows, avouez-le : Attrape rêves a pour objectif d’attirer une nouvelle clientèle, encore pure et innocente, vers le monde du jeu de société. Et c’est comme la clope ou le crack : plus on commence jeune, plus on finit accro ! On commence à 3 ans par un Attrape rêves, et sans l’avoir vu venir à 10 piges on se retrouve à faire du Gloomhaven ou du Through the Ages. Mais assez de médisance, et place au test de la bête.

Un matériel au top, comme toujours chez l’éditeur

La boîte est livrée avec un matériel plutôt conséquent pour un titre vendu sous les 20€. En effet, elle contient 30 cartes cauchemars au format 6x6, 4 plateaux individuels (1 par joueur), 8 tuiles doudou en carton en 1 sac en forme d’oreiller contenant une multitude de petits jetons « rêve » :

Plus que la quantité, c’est la qualité globale de l’ensemble qui impressionne. La boîte est hyper solide, et bénéficie d’un vernis sélectif du plus bel effet. Le carton utilisé pour les tuiles et les plateaux est très épais, de sorte que l’ensemble du matériel a supporté sans problèmes les nombreuses manipulations infligées par nos enfants. Le petit coussin, à première vue, semble être un simple gadget. En pratique, c’est une excellente idée des auteurs : mon petit bout de 3 ans n’a pas voulu le lâcher et il a participé grandement à son immersion. Comme le dit l’expression : c’est un accessoire inutile donc indispensable…

Les illustrations des différents cauchemars bénéficient d’un rendu vraiment atypique : ils sont immédiatement identifiés comme des monstres sans être effrayants pour un sou. En tout cas, force est de constater que l’illustratrice Maud Chalmel a su donner une patte vraiment originale au titre.  On peut par contre regretter une faible variété des illustrations – 5 monstres sur 40 cartes, c’est trop peu. C’est dommage, le thème invitait au contraire à se lâcher un peu plus.

Les règles sont tout simplement parfaites. Le texte est clair, et il est doublé de schémas permettant de comprendre comment marche le jeu sans lire quoi que ce soit. Le manuel comporte également des petits paragraphes en bleu rappelant les points critiques des règles. Enfin, les auteurs ont pris le soin de contextualiser leur titre au travers de quelques paragraphes introductifs. En cas d'accident, une version numérique peut être téléchargée sur le site de l'éditeur, juste à côté de quelques fonds d'écran qui vous permettront de vous la péter au bureau.

La présence d’un adulte reste à mon avis nécessaire pour la première partie, mais ensuite le jeu est tout-à-fait accessible et jouable par des enfants en autonomie. Ma fille de 6 ans s’est improvisée rulemaster pour expliquer le jeu à des copines de passage, et les enfants se sont parfaitement débrouillé tous seuls (oui, je sais, je suis un père indigne. Mais il y avait une boîte de Gloomhaven qui nous disait « ouvre-moi ». Comment résister ?). On sent bien que l’éditeur a calibré son titre pour qu’il puisse être mis entre absolument toutes les mains, habituées ou pas au jeu de société.

Accessibilité maximale

Attrape rêves  est un jeu ultra-familial et accessible, le descriptif des mécaniques sera donc pour une fois très rapide. Une partie se déroule en plusieurs tours :

  1. Chaque joueur choisit son doudou : Une fois la première carte Cauchemar retournée au centre de la table, chaque joueur doit choisir à son tour une tuile Doudou qui, selon lui, recouvre complètement le cauchemar de la carte:

  1. On vérifie le recouvrement du cauchemar : Chaque joueur, dans l’ordre du tour, place la tuile Doudou qu’il a choisie sur la carte Cauchemar afin de vérifier si ce dernier est parfaitement recouvert par le doudou. Si le cauchemar n'est pas totalement recouvert, le mauvais rêve remporte la bataille et le joueur n'obtient pas de jeton rêve. Si le cauchemar est recouvert, le joueur l'a vaincu. Il pioche alors dans le sac-oreiller autant de jetons Rêve qu'il y a d’étoiles sur le doudou choisi.
  2. Et c’est reparti pour un tour : la carte cauchemar est défaussée puis les tuiles Doudou sont remises au centre. Une nouvelle carte Cauchemar est retournée et un nouveau tour de jeu débute.

Une mécanique originale …

Djeco et Haba, pour ne citer qu’eux, proposent un large catalogue de titres adaptés aux 2 à 6 ans. Cependant, leurs mécaniques tournent souvent autour de la motricité fine : attraper des objets, les positionner avec précision, lancer des dés, etc.

En revanche, Attrape rêves propose plutôt de mobiliser les compétences cognitives de l’enfant. Celui-ci devra en effet estimer les dimensions des monstres et trouver un compromis entre la sécurité (prendre un gros doudou) et le gain de points de victoire (en prendre un plus petit).

De plus, les auteurs proposent différentes variantes permettant de varier les approches. La première ajoute un mode coopératif : on prend 8 monstres bien précis dans la pile des 40, et il va falloir les éliminer l’un après l’autre sachant que chaque doudou ne pourra être utilisé qu’une seule fois. La seconde permet de développer le langage, puisqu’elle invite l’enfant à raconter l’histoire de son rêve et s’aidant des différentes illustrations présentes sur les jetons qu’il remporte.

Si la mécanique fait preuve d’une belle originalité, en revanche le constat est un peu plus sévère au niveau du thème. Personnellement, je trouve que le titre peine à se démarquer de la chasse aux monstres : même rôle central du doudou, même thématique du coucher et du rêve.

… Trop ciblée sur les 3 – 5 ans

En pratique, le jeu s’est révélé parfaitement adapté pour mon petit dernier âgé d’un peu moins de 3 ans. Nous avons commencé par la variante coopérative, et nous avons pu alterner sans problèmes les variantes compétitives et collaboratives après 3 ou 4 parties.

Le thème lui parle vraiment – après tout, c’est l’âge où les enfants font beaucoup de cauchemars – et il n’a pas voulu lâcher le petit coussin.  Le concept du titre se révèle franchement répétitif de partie en partie, mais c’est loin d’être un inconvénient pour la tranche d’âge visée qui recherche justement ce type d’expérience. Ne niez pas, on se tape tous en boucle l’intégrale de la Pat’Patrouille ou des Pyjamasks

Le titre invite l’enfant à raconter des histoires, c’est parfait pour le forcer à se poser par exemple avant la sieste ou le rituel du coucher, surtout si les cauchemars lui font passer des nuits difficiles. En résumé, le jeu est parfaitement calibré pour les 3 à 5 ans et ceux-ci vont très probablement l’adorer.

Le souci, c’est que le titre ne va pas forcément intéresser les plus âgés. Passé les 5 ou 6 ans, le titre se révèle franchement trop simple et n’a pas beaucoup d’intérêt. Vous me direz, ce n’est pas rédhibitoire pour un titre à 20€. Cependant, c’est dommage car les autres nominés aux As d’Or ne sont pas victimes de ce défaut. La vallée des vikings reste intéressant même avec des enfants de 8/10 ans : les plus jeunes balancent leur boule un peu au pif, tandis que les plus âgés font preuve de fourberie dans le placement ou le choix des barils à renverser.  Yum Yum fait intervenir en même temps les parents et les enfants dans une approche vraiment originale de la coopération. Le jeu reste toujours aussi agréable au fil des parties et mes enfants le redemandent toujours régulièrement.

Face à eux, Attrape rêves  peine à attirer sur le long-terme car on épuise vite le concept initial. C’est encore plus vrai si vous avez plusieurs enfants à la maison : les plus grands vont littéralement phagocyter l’expérience, et les petits vont s’en écarter très vite. Un jeu sympathique, donc, mais pas inoubliable non plus. Il est parfaitement calibré pour présenter le jeu de société aux tout-petits, mais il faut s’attendre à ce qu’il prenne rapidement la poussière sur l’armoire à jeu.

L'essentiel en quelques mots

Mécanique : estimation de taille
On pioche une carte « monstre » et l’enfant doit estimer, parmi 8 tuiles doudou celle dont la taille se rapproche le plus de celle du monstre en le recouvrant. Il existe un mode compétitif, dans lequel plus la tuile est petite et plus on marque de points, et un mode collaboratif dans lequel chaque doudou doit être associés à un monstre bien précis.

Public cible : enfants de 3-5 ans
Attrape rêves  est vraiment ciblé pour les plus jeunes. Les règles sont simples et claires, le concept de jeu immédiatement compréhensible. Pour les parents, ce sera surtout un moment de partage et d’échange avec l’enfant. En revanche, le titre est trop simple pour intéresser les enfants à partir de 5 / 6 ans.

Nombre de joueur : 2 à 4
Honnêtement, on y joue plutôt à deux, un parent plus l’enfant. Le titre fonctionne avec plusieurs bouts de chous, mais uniquement s’ils sont tous dans la tranche d’âge des 3 / 5 ans. Si un enfant plus vieux participe, il va avoir tendance à laisser trop peu d’espace à ses petits camarades.

Durée de partie : une dizaine de minutes
C’est une durée parfaite pour la tranche d’âge en question

Interaction : variantes coopératives et compétitives disponibles
La variante collaborative est idéale pour les plus jeunes, car elle permet aux parents d’aider l’enfant à comprendre et à s’approprier les mécaniques.

Rejouabilité : faible
Ce n’est clairement pas le point fort du jeu : on refait exactement les mêmes choses de partie en partie. C’est là encore adapté à la tranche d’âge visée qui préfère la répétition à la nouveauté.

Courbe de progression : nulle, et c’est indispensable vu le public visé
L’objectif n’est pas de traumatiser l’enfant, mais de l’accrocher dès la première partie au travers d’une mécanique immédiatement compréhensible. Objectif validé haut la main.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Attrape Rêves [2020]

Auteur Gaetan G.
75

Le marché du jeu de société pour les plus petits est un segment en pleine extension, doté d’une offre déjà pléthorique. Cependant,  la plupart des titres à destination des 2-6 ans proposent de développer la motricité fine – prendre, manipuler et poser avec précision. Attrape-rêve, la nouvelle réalisation des Space Cows, se focalise sur des compétences plutôt cognitives. Le principe du jeu est tout simple : l’enfant pioche une carte « monstre » puis il doit estimer, parmi plusieurs tuiles « doudou », celle dont la taille se rapproche le plus de celle du monstre tout en le recouvrant complètement. Il existe un mode compétitif, dans lequel plus la tuile est petite et plus on marque de points, et un mode collaboratif dans lequel chaque doudou doit être associé à un monstre bien précis. L’enfant devra donc faire des estimations, arbitrer entre le risque et la sécurité et pour finir se raconter une histoire à partir d’éléments imposés.

Cette mécanique originale est parfaitement adaptée à la tranche d’âge visée. Si l’on rajoute à ça un matériel somptueux (mention spéciale au petit coussin contenant les points de victoire), le titre a tout ce qu’il faut pour faire un carton dans les familles. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a été élu As d’Or de l’année, catégorie enfant.

En revanche, il ne restera pas forcément très longtemps dans les mémoires, ni dans l’armoire à jeux. Le concept s’épuise rapidement, et surtout il n’a pas grand-chose à offrir passé les 5 / 6 ans. Cela aurait été impardonnable pour un titre à 30 ou 40€, à 20€ cela lui fait juste perdre une dizaine de points sur sa note.

On a aimé

  • Matériel magnifique
  • Mécanique originale pour la tranche d’âge visée
  • Parfaitement adapté aux 3 / 4 ans
  • Variante collaborative pour accompagner l’enfant dans sa découverte du jeu
  • Incontournable pour une école ou une ludothèque

On a moins bien aimé

  • On épuise vite le concept
  • Pas d’intérêt passé les 5 / 6 ans

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