Critique Volfyrion [2019]
Avis critique rédigé par Gaetan G. le vendredi 19 juin 2020 à 09h00
Mysthea fait des petits et ils sont aussi velus que le pôpa
« Lorsque la possibilité de contrôler Volfyirion, le terrifiant dragon habitant les ruines de Kyradar, devint réelle, la rivalité tacite entre la Maison Volarees et la Maison Rorius dégénéra en guerre. L’envie de dominer la puissante bête résulta en un conflit entre les deux forces, prêtes à employer tous les moyens disponibles. Désormais les combats font rage, les cités sont assiégées, les troupes se déploient sur les remparts, des éclaireurs s’aventurent dans les ruines de Kyradar, les civils réparent les dégâts et les érudits sont à la recherche de savoirs interdits. Mais la guerre est loin d’être terminée, car aucune des Maisons ne se rendra tant qu’elle contrôlera au moins une cité. »
Volfyrion, le titre dont nous allons parler aujourd’hui, n’est pas franchement une nouveauté puisqu’il est sorti dans notre verte contrée à la fin de l’été dernier – autant dire la préhistoire dans un marché qui voit plus de 3000 sorties par an. Le titre est distribué en France par Legion distribution, un petit distributeur qui monte et qui semble beaucoup apprécier les Kickstarters de studios italiens… Ce qui n’a rien d’étonnant au passage, vu leur qualité générale plutôt élevée.
Le titre étant encore trouvable un peu partout en boutiques (à l’exception notable de Phillibert), je me suis dit qu’il n’était pas trop tard pour en faire la présentation. Dans les grandes lignes, il s’agit d’un jeu de deck-building à deux joueurs. On démarre avec une toute petite pile de carte, que l’on vient enrichir au fil des tours au travers d’achats successifs. Bien entendu, les cartes offres des synergies dans tous les sens, et le vainqueur est en général celui qui a su maximiser les combos et les interactions.
Dans la théorie, c’est le genre de boîte parfaite à emmener en vacances : pas besoin d’une table de bucheron pour jouer, et les durées de parties sont annoncées comme raisonnable (ici on tourne autour de la trentaine de minute). Cependant, son studio d’origine Tabula Rasa est connu pour produire essentiellement des gros jeux, à destination d’une clientèle de passionnés. Volfyrion est-il comme ses grands frères un pur jeu de niche à destination du core-gamer, ou peut-on sortir facilement avec des amis de passage peu familiers de ce type de mécanique ? La réponse se trouve un peu plus bas.
Un titre qui transcende son budget
Niveau matériel, la boîte contient 136 cartes au format US standard ainsi qu’une figurine de dragon en bois. C’est cohérent avec le format, et surtout avec un prix de vente situé aux alentours des 20€.
La figurine représente bien entendu Volfyrion, la grosse bébête donnant son nom au jeu. A première vue, elle a tout de l’accessoire inutile, le genre de gadget censé justifier quelques €uros en plus sur le prix de vente (et accessoirement l’existence d’une édition « prestige collector top-moumoutte » avec une figurine en plastique véritable). En pratique, honnêtement, c’est un petit plus bienvenu : elle participe énormément à l’identité visuelle du titre, tout en prenant très peu de place dans la boîte.
Les cartes m’ont semblé de bonne qualité, en tout cas elles n’ont pas été endommagées lors de nos différentes parties de test. Au cas où vous souhaiteriez les sleever (c’est-à-dire les protéger par des pochettes plastiques individuelles afin qu’elles supportent sans broncher de très nombreuses manipulations), vous serez ravi d’apprendre que la boîte a été directement prévue pour. En effet, cette dernière est livrée avec deux calles en mousse que l’on peut enlever afin de compenser l’épaisseur supplémentaire. Les plus bricoleurs en profiteront au passage pour ajouter des intercalaires en carton qui viendront séparer les différents types de cartes, ce qui leur permettra de gagner quelques précieuses minutes à la mise en place.
L’ensemble du matériel est contenu dans une boîte en carton qui ne cherche pas à être plus grande que nécessaire, le titre se glissera donc sans problème dans n’importe quel sac ou valise. Cependant, il faudra faire preuve de précautions si vous ne voulez pas abîmer votre exemplaire du jeu… En effet, le carton de la boîte est assez mince et il a tendance à s’écraser facilement, d’autant qu’il y a de la mousse et des espaces vides à l’intérieur.
Passons maintenant à la forme. Inutile de tourner autour du pot, la direction artistique de Volfyrion impressionne, surtout quand on se rappelle que l’on a affaire à un petit format. Le jeu offre en effet 64 illustrations différentes, sans compter de nombreux artworks additionnels visibles dans le manuel et/ou sur le site de Tabula Rasa. La stratégie de l’éditeur porte clairement ses fruits… En effet, Volfyrion prend place dans le même univers que les autres licences phares du studio – Mysthea, Icarion ou The Fall pour ne pas les citer. C’est bénéfique pour tout le monde : chaque nouvelle sortie apporte un peu plus de matière à l’univers, et puis surtout cela permet de réduire les coûts d’illustrations en mutualisant le travail des graphistes. A ce titre, d’ailleurs, certains joueurs reprochaient à Mysthea de partir un peu dans tous les sens et de manquer de cohérence au global. Personnellement, je n’ai pas trouvé que c’était le cas ici. Visiblement, le format court a imposé un travail de sélection bienvenu sur les illustrations.
Pour conclure ce paragraphe, faisons un petit point sur le manuel du jeu. Hélas, celui-ci est comme trop souvent le principal point faible de l’ensemble. Pour une fois, ce n’est pas un problème de traduction : celle-ci est plutôt bonne, même si l’on peut constater ici ou là quelques coquilles résiduelles qui ne dérangeront que les grammar-nazis dans mon genre. Le problème, c’est que le manuel est écrit sur 36 pages bien tassés au format A7. Les diverses illustrations (photos de cartes, symboles) auraient gagné à être au moins deux fois plus gros. De ce fait, la lecture peut être difficile : typiquement de nuit, dans une pièce peu éclairée ou si vous avez malencontreusement oublié vos lunettes… Fort heureusement, l’éditeur propose une version PDF d’excellente qualité, facile à imprimer ou à télécharger sur son smartphone.
De quoi transpirer des méninges
Chaque joueur commence la partie avec :
- Une pile contenant 10 cartes (les mêmes pour tout le monde) ;
- 3 cartes de ville posées devant soi.
Ces fameuses villes représentent en quelque sorte les points de vie, puisque l’objectif du jeu va être de détruire toutes les cités de l’adversaire. Au centre de la table, on trouve également deux zones :
- La « rivière » contient 5 cartes disposées face visible ;
- L’antre de Volfyrion contenant la figurine du dragon ainsi que deux cartes merveilles.
Au début de son tour, le joueur actif commence par piocher les 5 premières de sa pile puis il les joue immédiatement. Ces cartes peuvent lui rapporter 3 ressources différentes :
- L’Ordre permet d’acheter de nouvelles cartes dans la rivière ;
- Le combat permet soit d’attaquer les villes de son adversaire, soit de récupérer des merveilles dans l’antre de Volfy ;
- Le savoir est une sorte de couteau-suisse qui permet tout un tas de choses (rendre de nouvelles cartes disponibles à l’achat, désactiver une merveille de l’adversaire, contrôler momentanément le dragon, etc.)
La plupart des cartes jouées sont immédiatement placées dans la pile de défausse. Néanmoins, certaines cartes – des troupes ou des bâtiments – doivent être posées sur une ville encore intacte. Ensuite, elles produiront un effet permanent (augmentation de la défense de la ville, production de ressource) tant qu’elles seront en jeu. Les merveilles, quant à elles, restent sur la table tant qu’elles ne sont pas détruites. Les cartes acquises durant son tour sont placées dans la défausse et ne peuvent être utilisées immédiatement.
Le système de jeu offre cependant trois subtilités d’importance. La première est la notion de maison. En effet, la plupart des cartes ont une bannière avec un liseré vert, rouge ou violet. Ces cartes disposent d’un effet bonus activable si une autre carte de la même couleur a déjà été jouée pendant le tour. Les effets sont multiples car les différentes cartes combottent dans tous les sens. Cela ouvre la voie à une large palette de stratégies : meule (épuisement rapide de son deck), apurement de sa pile pour se concentrer autour de quelques combos dévastateurs que l’on chaîne, moteur de ressource, etc. Après quelques tours de jeu, les combos se déclenchent en cascade, d’autant que les troupes ou des bâtiments restés en jeu peuvent eux aussi appartenir à une maison.
La deuxième est la notion de sacrifice. En effet, de nombreuses cartes – les merveilles, typiquement – offrent un bonus ponctuel lorsqu’on les détruit. C’est par exemple utile pour dévier une attaque que l’on n’aurait pas vu venir, ou pour récupérer ce petit point de savoir qui manquait pour envoyer Volfy sur son adversaire. Pire, certaines permettent de détruire instantanément une autre carte de l’adversaire, histoire de pourrir ses combos ou de le rendre vulnérable à une attaque. Là encore, les synergies sont multiples : tout l’art va consister à jouer sa main dans le bon ordre pour maximiser les interactions.
La troisième, c’est bien entendu la présence du dragon au centre de la table. Il est tout d’abord possible de le vaincre, ce qui rapporte une quatrième cité et plusieurs avantages décisifs sur votre adversaire. C’est difficile – le garçon est un vrai sac à PV et il faut envoyer du monde pour lui faire mordre la poussière – mais c’est possible. La plupart du temps, cependant, on se contente de l’envoyer gentiment sur une des cités de son adversaire. Cela va changer considérablement sa stratégie à court terme, puisque la cité en question sera détruite à la fin du prochain tour si la bête est toujours dessus.
Finley, expérience exigée
Et voilà, vous savez l’essentiel du système de jeu. Clairement, les mécaniques de Volfyrion n’ont rien d’insurmontables, même si les premières parties ne sont pas forcément faciles d’accès. Il y a trois ressources à surveiller, chez soi comme chez l’adversaire. De plus, il faut arbitrer en permanence entre le revenu procuré par ses cartes et leur effet de sacrifice, nettement plus intéressant mais à usage unique. Pour finir, les coups peuvent venir de partout vu que les différentes cartes interagissent dans tous les sens… Dans ces conditions, le risque d’analysis-paralysis est réel, le chrono est donc vivement recommandé si vous jouez avec un optimisateur compulsif.
De mon point de vue, ce n’est pas une bonne boite pour s’initier au genre du deck-building… La richesse de l’ensemble risque d’écœurer les débutants, qui se prendront très probablement tôle sur tôle lors de leurs premières parties. Star Realms reste encore et toujours la meilleure porte d’entrée pour le genre. En revanche, les joueurs rompus à ce type de mécanique vont apprécier la complexité de l’ensemble et l’originalité du système de jeu. Volfyrion dispose en effet d’une identité forte et ne ressemble pas aux autres titres disponibles sur le marché. Les villes qui viennent se substituer aux points de vie, le développement en dent de scie avec l’arbitrage permanent entre les bonus récurrents et les bonus de sacrifice, la présence du dragon avec sa figurine en bois… Le titre marque les esprits, que l’on accroche avec la formule ou pas.
De plus, le titre permet de varier les approches. Nous avons d’ailleurs pu expérimenter une large palette de stratégies pendant les différentes parties de test : acquisition de cartes sacrifiables afin de lancer ponctuellement des attaques dévastatrices, escarmouches permanentes pour maintenir la pression sur le joueur adverse, utilisation du dragon pour freiner son développement, apurement permanent du deck autour de quelques combos qui tournent bien, etc. C’est une belle performance, surtout lorsqu’on se rappelle qu’il s‘agit d’un titre « petit format et petit prix ».
Il faut cependant être prêt à ne pas avoir un contrôle absolu sur la partie, car Volfyrion se révèle au final très dépendant du hasard. Certaines parties – même si elles sont loin d’être la majorité – ont viré nettement à l’avantage de l’un ou l’autre joueur. Cela serait clairement un problème sur un titre plus long, ici ça participe au charme de l'ensemble. Si le tirage n’est pas avec vous, eh bien tant pis : vous vous rattraperez sur la prochaine. C’est d’ailleurs le prétexte idéal pour se faire une petite revanche, là maintenant tout de suite.
Par contre, ne vous attendez pas à faire des stratégies très typées : vous allez forcément devoir faire un peu de tout. D’une part, on reste mine de rien très dépendant du tirage de cartes, et on prend ce qui vient plus que ce qu’on veut. Certes, le savoir permet de rajouter de nouvelles cartes au milieu si on n’y trouve pas son bonheur, mais le coût en est tellement prohibitif qu’on ne peut pas le faire à grande échelle. Et puis surtout, une stratégie monocolore vous rendrait particulièrement vulnérable. Vous misez tout sur l’ordre, et vous pensez que le savoir c’est pour les faibles ? Attendez-vous à ce que Volfy le dragon vienne assez rapidement vous faire une visite de courtoisie, et à que ça laisse quelques traces sur les murs… De ce fait, certains ont eu le sentiment assez paradoxal de faire un peu toujours la même chose, bien que le titre offre une grande richesse stratégique à la base.
D’une certaine manière, Volfyrion en est conscient puisqu’il offre 10 variantes pour renouveler l’expérience et changer la manière d’aborder les parties. On peut citer par exemple l’ajout de cartes saboteurs pour pourrir la main de son adversaire, des bonus de départ amenant une légère asymétrie, ou encore des cartes ruses qui s’activent quand le joueur réalise un effet donné. Il y a même des modes additionnels pour jouer tout seul, en coop’ ou à 4, les règles correspondantes étant disponibles juste ici.
Toutes les variantes ne présentent pas le même intérêt – le mode coop’ souffre par exemple de quelques soucis d’équilibrage, pour le dire pudiquement – mais l’intention est là. Il y en a pour tous les goûts, et surtout de quoi offrir une durée de vie conséquente au titre. Volfyrion n’est sans doute pas le titre le plus iconique du genre, mais il s’agit d’une excellente réalisation, sans véritable défaut et donc tout-à-fait recommandable. En revanche, bon sang ne saurait mentir : comme les autres jeux de l'éditeur, il se réserve à un public averti à l'aise avec les mécaniques du deck-building...
Le résumé du patron
Public cible : expert du deck-building
Ce n’est clairement pas le titre pour découvrir le genre, Volfyrion est beaucoup trop riche et complexe. Le titre est pensé pour des joueurs rompus à ce type de mécanique, à la recherche d’originalité et de profondeur stratégique
Nombre de joueur : 2, variantes solos ou à 4 disponibles
A la base, Volfyrion est un jeu 2 joueurs. Il existe des variantes pour jouer tout seul ou à 4 avec 2 boites, que nous n'avons pas testé
Durée de partie : 30 minutes à une heure, en fonction de votre adversaire
Certaines parties peuvent être très courtes si la chance n’est pas avec vous. Dans la majorité des cas, la durée résultera principalement du temps de réflexion des joueurs. La richesse des interactions fait que ce temps peut s’envoler si l'on n'y prend pas garde. Un conseil : mettez un chrono si vous voyez que le temps dépasse 1h, afin de conserver un bon rythme aux parties.
Interaction : compétitif à la base, variantes solo et coopératives disponibles
Le jeu est pensé pour être joué en affrontement. Nous n’avons pas été convaincus par le mode coopératif, trop dépendant des cartes dans la rivière et qui vire soit à la promenade de santé soit au bain de sang sans que l’on ait l’impression d’avoir du contrôle dessus…
Rejouabilité : excellente
Volfyrion permet de nombreuses stratégies, et il offre en plus de cela des variantes dans tous les coins. La rejouabilité est excellente, et montre que les petits formats n’ont pas à rougir devant leurs grands frères. Un rapport qualité/prix au top !
Courbe de progression : importante
Les premières parties peuvent laisser une impression brouillonne, la faute à un système de jeu très riche et un manuel écrit en pattes de mouches. Comptez au moins 2 ou 3 parties avant de se sentir à l’aise avec le système de jeu. Comme celui-ci repose sur les synergies et les combos, il n’y a pas de secret : on progresse au fil des parties et au fil des expérimentations. Cependant, l’envie de progresser est là car le sentiment de montée en puissance est palpable.
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : Volfyrion [2019]
Volfyrion est un titre de deck-building à deux qui prend place dans l’univers de son grand-frère Mysthea. Comme lui, il bénéficie d’une direction artistique irréprochable. En prime, le petit format et la sélection qui va avec lui permet de bénéficier d’une meilleure cohérence d’ensemble que son prédécesseur.
Comme lui, il bénéficie aussi d’un système de jeu riche, très riche. Niveau complexité, on est plutôt dans le haut du panier par rapport aux autres titres du genre disponibles sur le marché. C’est donc un jeu à réserver en priorité aux joueurs aguerris à ce type de mécanique, à la recherche d’une boîte à l’identité forte et au système de jeu franchement original.
Les premières parties pourront sembler un peu lourdes, le titre reposant de manière importante sur les intéractions et les combos. Il faut gérer plusieurs types de ressources et d’unités, et la majorités des cartes ont en plus de cela des bonus additionnels qui se déclenchent si on les sacrifie ou si elles sont associées à d’autres cartes de la même couleur.
Fort heureusement, le titre gagne en fluidité et en interêt au fil des parties. On commence à identifier des synergies sympathiques et le sentiment de montée en puissance est palpable. De plus, la richesse du système de jeu fait qu’on n'a jamais l’impression de tourner en rond.
Sur le long-terme, Volfyrion ne déçoit pas et mérite clairement votre attention. Tous les passionnés de deck-building se doivent d’avoir testé au moins une fois, se serait-ce que pour l’originalité de son thème et de sa mécanique.
On a aimé
- Un thème et une DA au top
- Excellente rejouabilité
- La figurine de dragon est classe
- Original dans le thème et les mécaniques
On a moins bien aimé
- Mécanique dense, pas forcément faite pour des joueurs novices au deck-building
- Manuel écrit en pattes de mouche
- Risque d’analysis paralysis et/ou de rythme cacochymique si l’on joue avec un optimisateur compulsif
- Le nom des cartes est en anglais. Grmbl...
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