Critique Cartographers [2020]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le vendredi 10 juillet 2020 à 14h00

Encore une pépite chez l'éditeur Intrafin

Habituellement, je ne suis pas un grand fan des jeux de « truc & Write ».  Soyons honnête : Welcome est sympa (passé la première partie), mais on a quand même la furieuse impression de jouer à une version reskinnée du bingo de mamie. Corinth souffre quant à lui d’un équilibrage pour le moins perfectible –mes condoléances à ceux qui misent tout sur l’intendant. Kingdomino Duel, pour finir, est agréable mais ne joue pas dans la même cour que son grand-frère.

Le fait que chaque titre essaie de révolutionner la formule à chaque itération (on a eu droit au roll, au flip, au tap, j’en passe et des meilleures) montre bien au passage que personne n’est satisfait du résultat.

Cartographers, le titre dont nous allons parler aujourd’hui, est parvenu à lui tout seul à me rabibocher avec le genre… On a affaire à une boîte simple à sortir, et qui offre à chacun l’occasion de s’amuser quel que soit ce qu’il recherche : tuer le temps pendant une demi-heure où se creuser un peu le citron. Je ne suis clairement pas le seul à être de cet avis, puisque le titre figure dans la liste des nominé au Spiel 2020 – excusez du peu.

C’est le compagnon idéal des vacances qui arrivent, que ce soit pour jouer en tête à tête avec votre compagne.on, avec les enfants ou des amis de passage. Mais regardons plus en détail le pourquoi du comment.

Un matériel qui fait le taf malgré quelques soucis de finition

Commençons comme d’habitude par un petit tour sur le matériel. De ce point de vue, le titre fait dans l’épure : on y trouve en effet 4 crayons, un bloc de 100 feuilles de marque recto-verso et 49 cartes. C’est cohérent avec un prix de vente situé sous les 20€, même si l’on aurait apprécié quelques cartes supplémentaires histoire de doper la rejouabilité de l’ensemble – mais on en reparlera tout à la fin de cette chronique. Petit bémol qui pourra en gêner certains : à l’ouverture, le bloc de feuilles dégage une odeur forte et âcre de produit chimique. Elle s’atténue au fil du temps, mais cela n’inspire pas forcément confiance sur la qualité des encres employées.

Pour le reste, c’est du tout bon : la Direction Artistique du titre est propre et efficace, à défaut de rester dans les mémoires. Elle ne dénote pas spécialement, que ce soit en bien ou en mal. Bref, elle fait son taf pour contextualiser le jeu et lui apporter un peu d’épaisseur et c’est bien là l’essentiel. Au passage, les auteurs indiquent fièrement que le titre « prend place dans l’univers de Roll Player ». Personnellement, je ne le connais pas du tout et ça ne m’a pas manqué. Il y a des humains, des peaux-vertes, des montagnes, des champs et des lacs. Bref, les auteurs auraient pu indiquer que Cartographers « prend place dans l’univers med-fan générique numéro 65536 » que ça aurait été peu ou prou la même chose. Au rayon des regrets, on peut également citer la presence de crayons de papier. Les différents tracés ne sont pas toujours bien identifiables une fois la partie terminée, on aurait préféré une boîte de 5 crayons de couleurs.

Le manuel est clair et il se lit vite, sans difficulté de compréhension particulière. Il n’y a pas besoin de faire une lecture préalable des règles avant de commencer. Vous ouvrez la boîte, et vous attaquez la lecture des règles en même temps que la mise en place. Les novices et les joueurs occasionnels apprécieront. Il y a quelques erreurs de traduction, dont une plutôt gênante qui inverse le pouvoir d’une carte de la mini-extension incluse !

Le manuel est pensé pour l’accessibilité immédiate, pas pour accompagner le joueur sur le long terme. Le problème se pose typiquement lorsqu’on a besoin d’un renseignement bien précis sur l’interprétation d’une carte. En effet, le manuel reprend à l’identique le texte figurant sur ces dernières, sans aller plus loin et sans expliquer les contradictions potentielles avec d'autres. De plus, il n’y a pas de FAQ disponible en ligne. Nous avons donc pris l’habitude de revoir ensemble les cartes de scoring tirées au sort avant le début de la partie, de manière à être bien sûr que tout le monde les a compris de la même façon.

Pour finir, le manuel est disponible en version électronique, mais uniquement en anglais ou en allemand. Direction le site de l’éditeur d’origine, et c’est d’ailleurs là où vous pourrez télécharger des feuilles de marques additionnelles à imprimer vous-même.

Tiens, la mécanique me rappelle vaguement quelque-chose…

Une partie de Cartographers se déroule en 4 tours représentant les différentes saisons.

La manière de marquer des points rappelle énormément Isle of Skye : on tire aléatoirement 8 conditions de victoire parmi 16 en début de partie, et deux d’entre elles sont applicables à chaque tour (A et B au tour 1, A et D au tour 2, etc.)

A chaque tour, un joueur au choix va tirer plusieurs cartes d’exploration. Celles-ci représentent des structures que les joueurs vont devoir dessiner sur leur feuille de marque. En général, chaque carte exploration offre plusieurs possibilités. Par exemple, il se peut qu’il y ait soit une grosse structure permettant de remplir facilement sa carte, soit un bâtiment plus petit mais qui rapporte une pièce d’or en cadeau. En revanche, toutes les cartes permettent de choisir entre 2 types de terrain parmi 4 (forêt, village, champs et eau).

La structure doit être dessinée sur sa carte personnelle. Dans l’absolu, le jeu n’impose pas beaucoup de contraintes de placement : certaines structures doivent recouvrir un des 9 symboles de ruines présents sur la carte, mais la plupart sont en placement libre. Mais comme chaque case du plateau ne ne peut être utilisée qu’une seule fois, au bout d’un moment ce n’est pas toujours simple de jongler avec les structures placées lors des tours précédents.

Chaque carte comporte en haut à gauche une valeur entre 0 et 2. Quand le total des cartes d’exploration révélées sur le tour atteint ou dépasse 8, on passe à la phase de comptage. On marque 1 point par pièce collectée depuis le début de la partie, plus les points marqués avec les deux conditions de victoire actives sur le tour.

Les conditions de victoire sont plutôt variées (1 point par forêt adjacente à une case de montage, etc., la difficulté étant de les combiner harmonieusement pour s’assurer un gain de points de victoire continus.

Petite subtilité pour les tours suivants : lorsqu’on remélange la pile d’exploration, on y intègre une carte de monstre qui va venir pourrir la vie des joueurs et leur faire perdre des points. En effet, à la fin de chaque tour, chaque case vide en contact avec une case un monstre fera perdre 1 point, et ça peut aller vite. Le truc vachard, c’est qu’on ne choisit pas soi-même l’emplacement d’une tuile de monstre : on doit passer sa feuille de marque au joueur à sa droite (ou à sa gauche, suivant ce qu’indique la carte monstre) et ce dernier a toute latitude pour placer la créature.

La partie se termine à la fin du 4e tour. Il n’y a pas de scoring additionnel de fin de partie ou de petite subtilité de derrière les fagots qui pourrait rebattre les cartes par surprise : on additionne les points marqués pendant les 4 tours, et celui qui a la plus grosse remporte la partie.

Multiples variantes au menu

On pioche 8 cartes scoring à chaque partie parmi 16, autant dire qu’il ne faut que 5 ou 6 parties pour faire le tour des possibilités offertes. Fort heureusement, le jeu propose quelques variantes afin de doper la rejouabilité.

La première permet de dépenser, au moment de son choix, des pièces d’or acquises précédemment dans la partie afin de bénéficier de l’effet d’une carte pouvoir. Ils sont plus ou moins utiles, mais certains changent considérablement la philosophie des parties : je pense par exemple à celle qui permet d’ignorer une carte monstre au moment où elle est tirée.

Une partie se joue avec 3 cartes sélectionnées aléatoirement parmi 8, ce qui permet une variation bienvenue des conditions initiales. Attention cependant à compétence « Concentration » dont le texte a été mal traduit : celui-ci doit bien entendu se lire « si une Carte Embuscade N'EST PAS révélée » et non l’inverse.

La deuxième variante porte sur la feuille de marque : chaque feuille est recto-verso, et le deuxième côté présente une grosse zone morte au milieu, sur laquelle on ne peut rien placer. Elle complexifie le placement et force à utiliser des bâtiments plus petits. Bref, c’est une façon bienvenue de forcer à varier ses stratégies.

Simple, riche et agréable...

Les stratégies, tiens, parlons-en. L’approche de base est simple : il faut faire faire un jeu homogène qui permet de collecter des points de victoire à chaque tour. Il ne faut pas négliger les pièces, surtout sur les premiers tours : une pièce acquise en début de partie rapportera 4 points, pour un score total qui tourne entre 80 et 120 suivant les conditions de victoire.

Le jeu nécessite également de voir sur le « long-terme ». Mine de rien, chaque carte offre entre 2 et 4 possibilités différentes : il est recommandé de compter systématiquement les points qu’elles sont susceptibles de vous rapporter jusqu’à la fin de la partie, de manière à sélectionner la plus rentable. Les joueurs qui se focaliseront uniquement sur les objectifs du tour auront peu de chance de gagner…

Dans l’absolu, il m’est arrivé de gagner en me concentrant à outrance sur l’objectif D, qui permet de marquer des points dans les deux derniers tours, ainsi que sur la collecte de pièces afin de s’assurer un gain de ponts optimal et surtout exponentiel.

Le placement des monstres demande également un peu de prise de hauteur : vaut-il mieux le dessiner au milieu de nulle part, de manière à obliger l’adversaire à aller jouer ailleurs faute de quoi il va perdre un maximum de points, ou à l’inverse cibler l’emplacement le plus embêtant et casser ses combos ? En pratique, le choix va surtout dépendre du contexte de la partie.

... Et donc tout à fait recommandable

En conclusion, Cartographers est une excellente surprise et bénéficie d’indéniables qualités. Le titre est facile à mettre en place.

Il dispose d’une direction artistique correcte qui fait le job, couplée à une mécanique pas forcément originale (on la retrouve dans Isle of Skye par exemple) mais extrêmement agréable et efficace. Le titre bénéficie d’une profondeur stratégique idéale pour le format : on reste sur du jeu léger et accessible, mais les optimisateurs pourront tout de même se creuser gentiment le citron afin de maximiser les points de victoire.

La mécanique de placement des monstres est vraiment fun. Elle corrige un défaut récurrent de ce type de jeu, à savoir une interaction relativement faible entre les joueurs. Tout cela pour dire que Cartographers. Personnellement, c’est le truc & write le plus agréable auquel j’ai pu jouer !

Le seul défaut du titre, honnêtement, c’est sa rejouabilité un peu faible. On fait le tour des objectifs en 5 ou 6 parties, avec le sentiment sur le long-terme de faire un peu toujours la même chose. Cependant, le format du jeu est idéal pour une extension, espérons que le studio va venir doper le contenu dans les semaines et les mois à venir. Le jeu reste néanmoins très agréable à sortir de temps en temps.

Un dernier point pour finir : le titre est donné pour 1 à 100 joueurs en simultané. De mon point de vue, c’est illusoire. Contrairement à un titre comme Welcome qui est pensé pour être joué avec un nombre (quasi) infini de joueur, Cartographers nécessite de voir physiquement les cartes puisqu’elles offrent plusieurs possibilités. De fait, difficile de jouer à plus de 6 ou 8. En revanche, le jeu tourne vraiment bien à 2 et c’est pour moi la meilleure configuration pour le titre.

L'essentiel en quelques mots

Mécanique : truc & write
On pioche des cartes représentant des pièces de tétris, et on dessine le motif correspondant sur son plateau sur l’emplacement de son choix. Certaines combinaisons vont rapporter des points, et on s’efforce de tout bien agencer comme il faut histoire d’en avoir plus que ses petits camarades à la fin du jeu. Simple et efficace

Public cible : tout le monde
Le titre est simple et accessible, pas besoin d’être un core-gamer pour s’asseoir autour de la table. Les joueurs débutants vont faire des trucs et s’amuser, les joueurs plus experts vont calculer et optimiser dans tous les coins. A la fin les seconds enterreront sans l’ombre d’un doute les premiers au score, mais tout le monde y aura trouvé son compte

Nombre de joueur : de 1 à 100 en théorie, très bien entre 2 et 6/8 grand max, parfait à 2
ce type de mécanique est bien adaptée au jeu à beaucoup. Ici, il est difficile d’aller au-dessus d’une table, histoire que tout le monde voit bien les cartes.

Durée de partie : 30 minutes
Et encore, en comptant la mise en place et le rangement.

Interaction : compétitif pas trop méchant
L’interaction entre les joueurs est limitée aux cartes monstres, mais cela suffit pour maintenir une pression sensible durant la partie. Dans l’absolu c’est peu, mais c’est beaucoup par rapport aux autres titres du genre et c’est un des gros points forts du jeu.

Rejouabilité : correcte, sans être fantastique
Avec 8 cartes jouées par partie parmi 16, on fait vite le tour des possibilités offertes. Ce n’est pas le genre de titre pour enchaîner les parties. Néanmoins, Cartographers est parfait lorsqu’on a une demi-heure à tuer, par exemple pour les vacances ou le confinement qui va probablement venir nous refaire un petit coucou à la rentrée.

Courbe de progression : on prend son pied dès la première partie
Honnêtement, on s’en sort très bien dès la première partie. On affine bien entendu les stratégies au fil du temps – par rapport aux pièces ou la détection des objectifs les plus rentables – mais l’accessibilité du titre est excellente.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Cartographers [2020]

Auteur Gaetan G.
85

Cartographers est, de l’avis général, le meilleur représentant de la famille des « trucs & write ». Ici, on tire des cartes représentant des pièces de Tetris que l’on va devoir ensuite dessiner sur sa carte individuelle. Certaines combinaisons vont rapporter des points, et l’on s’efforce de tout bien agencer comme il faut histoire d’en avoir plus que ses petits camarades à la fin du jeu.

Jusqu’ici, rien que de très classique. En revanche, Cartographers dispose de petites caractéristiques bien à lui qui le distinguent de la concurrence. Tout d’abord, il s’appuie sur un système de scoring bien troussé, qui permet de se construire une véritable stratégie là où les autres misent plutôt sur de l’opportunisme à outrance. Il introduit également un mécanisme d’interaction vraiment fourbasse entre les joueurs. En effet, ce sont parfois vos voisins qui viendront placer les motifs sur votre carte, histoire de vous embêter dans votre développement et/ou de vous faire perdre des points.

Bref, rien à redire sur le titre qui fait parfaitement le job. On peut éventuellement regretter le trop petit nombre de cartes (notamment d’objectifs) livrées en standard, ce qui limite quelque peu la rejouabilité, pour le reste c'est un sans faute. Un candidat solide pour le Spiel de l’année 2020.

On a aimé

  • Une durée de 30 minute, idéale pour le format
  • Parfait à 2
  • Plus d’interactions que dans les autres jeux du genre
  • Une mécanique de scoring qui fait le taf et offre une bonne profondeur, à défaut d’être follement originale
  • Direction Artistique propre et efficace…

On a moins bien aimé

  • … Mais franchement générique
  • Une odeur de produit chimique assez forte au déballage
  • 16 cartes d’objo différentes, on aurait aimé  un peu plus de variété
  • Lisibilité de la feuille de marque pas toujours au top. On aurait préféré une boîte de crayons de couleur plutôt que des crayons de papier

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