Critique Bellum Magica [2021]
Avis critique rédigé par Gaetan G. le jeudi 27 janvier 2022 à 08h00
Un bon p'tit jeu d'enflure, ça ne se refuse jamais
L’éditeur Blue Orange a connu une fin d’année particulièrement chargée, avec pas moins de 3 sorties simultanées. La première était Kingdomino Origins, que nous avons chroniqué tout récemment. En deux mots, il s’agit d’un titre efficace mais sans prise de risque, qui prends des bouts des éditions précédentes de Kingdomino afin d’en faire une sorte de version « ultimate ».
Le second était Bellum Magica, c’est-à-dire tout pile celui dont nous allons nous occuper aujourd’hui. A première vue, le titre porte fièrement l’ADN de son studio. Jugez-en plutôt : il s’agit d’un jeu familial, rapide, vendu sous les 30€, doté pour finir d’une direction artistique mignonne et colorée…
Une fois sur table, en revanche, il se révèle plutôt différent des autres productions de l’éditeur. En effet, ce dernier est plutôt connu pour ses titres familiaux et/ou gentiment compétitifs, tandis que Bellum Magica appartient à la catégorie des jeux d’enfoirés qui s’assument complètement.
Vous avez vu la note, alors il n’y a pas trop de suspens : le résultat se révèle parfaitement recommandable – pour peu que l’on aime ce type de mécanique bien entendu… Le niveau de stratégie est plutôt simple, jeu familial oblige, mais les parties sont remplies de de coups tordus et on s’y amuse beaucoup.
Soyons clair, il y a peu de chance que Bellum Magica soit candidat au titre de jeu de l’année : la boîte souffre d’un certain manque d’ambition et de quelques autres soucis qui viennent (un peu) ternir le tableau. Rien de bien méchant cependant, et nous allons donc regarder maintenant pourquoi il pourrait mériter de rejoindre votre ludothèque.
Un matos plantureux, desservi par une DA générique
Le matériel du titre est plutôt généreux, si l’on considère un prix de vente qui se situe aux alentours des 25 / 30€. La boîte contient en effet :
- 5 plateaux individuels ;
- 1 dé à 6 faces ;
- 101 cartes (25 lieux et 76 créatures) ;
- 60 jetons ressource en bois ;
- Une centaine de tokens en carton.
L’éditeur a soigné jusqu’aux moindres détails, sans chercher à rogner sur les coûts. Un exemple : toutes les ressources sont sérigraphiées, ce qui leur donne indéniablement un petit supplément d’âme. On peut également citer les cartes créatures réalisées au format 6x6. Perso, c’est un format que je trouve flatteur.
La boîte est également livrée avec deux thermoformages en plastique. Ils sont conçus pour stocker les tokens et les ressources. Cela facilite la mise en place, bien entendu, et tout est facilement accessible en cours de partie. En revanche, le stockage dans des sachets plastiques reste vivement conseillé, surtout si vous rangez vos boîtes verticalement. Dans le cas contraire, ces différents éléments vont valdinguer joyeusement dans la boîte et il y en aura partout à la réouverture… Faites bien attention si vous avez des jeunes enfants à proximité, car les différentes ressources sont très petites…
Cependant, la direction artistique manque clairement d’ambition. Le titre prend place dans un univers médiéval fantastique ultra classique, peuplé de sorcières, de dragons, de peaux vertes et autres poncifs du genre :
« Chaque joueur incarne un seigneur maléfique. Recrutez des créatures, allant du simple gobelin à de terrifiants dragons, et assignez-leur une tâche dans votre royaume : les uns iront récolter des ressources et explorer les alentours, tandis que les autres rejoindront votre armée afin d’attaquer le royaume des humains et les autres joueurs. Amassez des coffres remplis de trésors, et devenez le seigneur maléfique le plus riche et le plus puissant de tous les temps ! »
On aurait clairement apprécié une identité plus affirmée ! En revanche, rien à signaler sur la lisibilité ou sur l’iconographie. Les plateaux individuels sont un peu chargés en couleurs, mais l’ensemble reste parfaitement lisible en toute circonstance. Il est facile de lire d’un coup d’œil le jeu de ses adversaires situés de l’autre côté de la table, et c’est clairement le principal sur un jeu de ce type.
Le manuel, pour finir, tiens sur 4 pages petit format. L’ensemble est bien agencé et comporte toutes les informations nécessaires : il y a un petit paragraphe introductif pour poser l’univers, une page complète sur la mise en place, et un descriptif des différentes phases du jeu avec quelques exemples au passage. On a donc aucune difficulté pour rentrer dans les mécaniques, c’est essentiel pour un jeu familial. Comme toujours chez Blue Orange, l’éditeur met à disposition une copie numérique au format PDF. C’est toujours pratique pour imprimer un exemplaire par joueur et/ou en cas de perte du manuel originel, même si cela ne se justifie pas vraiment dans le cas présent.
Des mécaniques simples…
Avec des règles aussi épurées, vous vous doutez bien que Bellum Magica mise plutôt sur la simplicité. Mais regardons cela plus en détail. Une partie se déroule sur un nombre de tours variable, chacun d’entre eux se composant des actions suivantes réalisées successivement :
- Choix de la horde active
- Phase de collecte
- Phase de combat
- Phase de recrutement
Lors du premier tour, le choix de la horde active s’expédie en quelques secondes : le premier joueur lance le dé à 6 faces, et chacun regarde alors la section de son plateau individuel qui va être activée sur le tour. Les plateaux individuels comportent en effet 3 zones : la section de gauche est dédiée aux gains de ressources, tandis que la section de droite a trait au combat. La section centrale correspond, pour finir, aux effets permanents (valeur de protection, relances, etc.).
Prenons l’exemple du personnage ci-dessus. Un dé de valeur 2 lui rapportera :
- 2 jambons et une carte au trésor lors de la phase de collecte ;
- 5 épées lors de la phase de combat.
Dans les tours suivants, le choix de la horde active pourra durer (beaucoup) plus longtemps. Il existe une ressource – le tonneau – que l’on peut dépenser pour obliger le premier joueur à relancer le dé. Et vu que tout le monde n’investira pas dans les même chiffres…
Une fois que plus personne ne peut (ou ne veut) relancer le dé, on passe à la phase de collecte. Chaque joueur prend alors les ressources qui vont bien en fonction de la face indiquée par le dé. Il y a 4 ressources différentes :
- Les tonneaux. Ils permettent comme on l’a dit une relance lors de la phase de choix de la horde active ;
- Le jambon et les runes. Ce sont les ressources nécessaires pour recruter de nouveaux camarades en fin de tour ;
- Des cartes au trésor. Celui collecte le plus grand nombre de carte gagne un coffre au trésor. En cas d’égalité, tous les gagnants prennent un coffre de moindre valeur.
Ensuite, c’est la phase d’attaque. Chaque joueur compte le nombre d’épées normales (de couleur grise) et magiques (de couleur rose). Cela lui donne sa puissance d’attaque.
Le joueur peut alors aller piller un des lieux visibles au centre de l’aire de jeu. Cela permet de récolter des ressources et/ou des coffres au trésor. Si le joueur bénéficie de symboles voleurs, il peut choisir de rendre visite à la place à un de ses adversaires, dans l’objectif cette fois-ci de lui piquer des coffres au trésor.
Dans les deux cas, le principe de l’attaque est le même. Par exemple, il vous faudra 4 épées normales et une épée magique pour attaquer le lieu le plus à gauche dans l'exemple ci-dessus. Notez qu’une épée magique peut au besoin remplacer une épée normale (autrement dit, ça marche aussi avec 3 épées normales et 2 magiques). L’attaquant choisit les coffres qu’il pique. C’est loin d’être anodin, puisque ces derniers n’ont pas la même couleur en fonction de leur valeur.
Ceux qui n’ont pas suffisamment de force d’attaque pour attaquer qui que ce soit peuvent toujours se prendre une bonne grosse cuite à la taverne. Ça ne résout rien, mais ça rapporte quand même un jambon et un tonneau (et donc une relance potentielle pour le prochain tour).
Le tour se termine par la phase de recrutement. Il existe deux types de créatures à recruter ; les sbires de base valent 2 jambons, tandis que les monstres élites valent 4 jambons + 1 glyphe (ou 3 glyphes si vous êtes en panne de jambon). Il n’y a pas de limite au nombre de ressources que l’on possède, ni au nombre de créatures que l’on peut recruter pendant le même tour.
Chaque créature que l’on recrute doit être immédiatement positionnée à droite ou à gauche de son plateau individuel. De ce fait, elle va rapporter de nouvelles ressources soit pendant la phase de collecte (si elle est placée à gauche) soit de combat (si elle est positionnée à droite). Inutile de dire que le choix est définitif : il ne sera jamais possible de changer l’affectation d’un minion.
La partie se termine lorsqu’un joueur possède 10 coffres à la fin d’un tour. Chacun additionne la valeur de ses différents coffres, et celui qui a la plus grosse remporte la partie.
… Calibrées pour le fun plus que pour la stratégie
On pourrait penser que la phase de combat est la plus longue et la plus marrante du jeu, eh bien non… En pratique, tout le sel du jeu provient de la phase de choix de la horde active. Par la force des choses, tout le monde n’investit pas sur les mêmes chiffres. Il n’y a donc pas de tirage idéal qui satisfasse tout le monde – et c’est tant mieux, car sinon Bellum Magica n’aurait pas beaucoup d’intérêt ! Chacun doit s’efforcer de trouver le meilleur compromis entre les valeurs qui l’arrangent et celles qui pénalisent ses adversaires.
Or, le jeu n’est pas avare en relances. De nombreux sbires offrent en effet une relance permanente (valable uniquement lorsqu’on lance le dé, ‘faut pas déconner non plus), et les tonneaux se récupèrent plutôt facilement. Rapidement, on se retrouve donc à relancer le dé une demi-douzaine de fois à chaque tour. Tout l’art va donc consister à manipuler ses camarades pour qu’ils dépensent leurs propres tonneaux pendant qu’on garde les siens.
Là où pas mal d’autres titres auraient choisi de s’appuyer sur des mécaniques complètes (et complexes), Bellum Magica mise au contraire sur le situationnisme. En pratique ça marche, et chaque partie a son lot d’anecdotes mémorables… Je me rappelle d’une fois où un adversaire s’est s’échiné à dépenser relance sur relance, tandis que le dé retombait obstinément sur le même chiffre. Quand il est finalement arrivé au résultat qu’il voulait, un camarade a dépensé un seul et unique tonneau et le dé est revenu, comme vous l’imaginez, sur le chiffre du départ. Fou-rire collectif assuré.
La contrepartie, c’est que le niveau de stratégie général reste plutôt simple… Dans l’absolu, il est préférable d’investir un minimum sur les numéros les plus consensuels. Si vous êtes le seul à vous gaver sur le 1, il est probable que tous les autres demandent systématiquement une relance que vous ne le verrez quasiment jamais. Pour le reste, au début on privilégie la collecte de ressources histoire d’étoffer son équipe, puis on monte rapidement sa puissance militaire histoire de ne pas se faire rançonner et d’aller faire quelques visites de courtoisie chez ses adversaires.
Le titre privilégie d’ailleurs l’attaque, puisque l’attaquant choisit son butin chez sa victime. Or, les coffres les plus rémunérateurs sont dotés d’une belle couleur rouge qui attire immanquablement le regard… En revanche, le titre s’efforce d’éviter la séance d’humiliation : le défenseur malheureux gagne un bonus de défense pour les prochains combats. De toute manière, on n’a plus rien à offrir quand on s’est fait dépouiller, les cibles tournent donc régulièrement.
Quelques défauts, mais un sentiment général très positif
Le titre n’est cependant pas exempt de défaut. Le principal est un souci de forme… On vient en permanence glisser des cartes les unes sous les autres. Or, c’est vraiment galère : une fois sur deux, on fait plus de mal que de bien en déplaçant les cartes déjà posées. Au début ça irrite, au bout de quelques parties c’est à la limite de l’insupportable.
On peut également mentionner un certain côté win-to-win… Les écarts se creusent de plus en plus au fil de la partie : moins vous collectez de ressources, moins vous recrutez, et moins vous recrutez, moins vous pourrez collecter de ressource dans les prochains tours.
Signalons pour finir une durée sensiblement trop longue pour le format. Les parties d’essais ont souvent allégrement dépassé l’heure de jeu, là où les 30 minutes annoncées par l’éditeur auraient été absolument parfaites.
Cependant, le tableau reste éminemment positif : Bellum Magika est une excellente petite surprise dans la catégorie « jeu d’enfoiré ». Comme on l’a dit tout au début ce n’est pas le jeu de l’année, mais on se marre vraiment autour de la table et il est régulièrement demandé à la maison. N’hésitez pas à tester, si vous le voyez passer. Et vu le prix, vous pouvez craquer sans problème, c’est un excellent petit jeu d’ambiance !
L’essentiel en 10 phrases
Public cible : familial, accessible dès 10 ans
Le titre n’est pas forcément adapté aux plus jeunes, qui ne supportent en général pas trop les jeux de péripapétipute où on peut se piquer des trucs et des machins
Nombre de joueur : de 2 à 5, très drôle à 4 ou 5
Plus on est de fous, plus on rit ! Clairement, le titre manque de piquant en dessous de 4 joueurs.
Durée de partie : 30 minutes annoncées par l’éditeur, mais on dépasse facilement l’heure
Cela va bien entendu dépendre des relances demandées par les uns et les autres. C’est trop long pour le format, mais dans l’absolu les parties ne connaissent ni longueurs ni baisses de rythme donc ça passe comme un charme.
Interaction : 100% compétitif
Je dirais même plus : 100% puputte
Rejouabilité : limitée
Les mécaniques sont simples, car le jeu cherche avant tout à créer des situations marrantes sans se prendre la tête. En contrepartie, la rejouabilité n’est clairement pas le point fort du titre. Dans l’absolu, il n’y a pas des centaines de stratégies disponibles : d’abord on privilégie les ressources afin de recruter, puis on monte le militaire afin de monter son score et si possible dépouiller ses petits camarades.
Courbe de progression : on rentre dans les mécaniques en un tour ou deux (jeu familial oblige)
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : Bellum Magica [2021]
Bellum Magica est un excellent petit jeu d’ambiance, tendance « jeu d‘enfoiré ». Le principe est simplissime : le premier joueur lance un dé. Cela va indiquer à chaque joueur les ressources qu’il va collecter sur le tour – et donc les nouvelles créatures qu’il pourra recruter – et sa force d’attaque – et donc les endroits et/ou joueurs qu’il pourra piller.
Il est possible de dépenser un tonneau, une des ressources du jeu, pour forcer ce fameux premier joueur à relancer le dé. En effet, au fil du jeu et des créatures recrutées, chacun va se faire ses petits numéros fétiches qui rapportent plus que les autres. Or, les tonneaux sont abondants mais pas illimités : chaque tour est donc rempli de tentatives de manipulation (toutes plus minables les unes que les autres) afin d’inciter les autres à dépenser leurs tonneaux tout en gardant les siens. Hasard oblige, ça se passe rarement comme on l’avait prévu, et on se marre beaucoup au passage.
Quelques petits soucis empêchent de crier au génie (on peut citer un certain manque d’ambition général ou des mécaniques manquant de profondeur) mais vous auriez tort de passer à côté si vous croisez la boîte. Et vu le prix tout doux, vous pouvez craquer sans souci, vous ne serez pas déçu.
On a aimé
- Un excellent jeu d’ambiance, on se marre vraiment en cours de partie
- Un système de jeu tout simple et accessible à tous
- Un prix tout doux au vu du matos
- Les mécaniques évitent que ce soit toujours le ou les mêmes qui se fassent rançonner
On a moins bien aimé
- Recommandé pour des parties à 4 ou 5
- Il faut aimer les jeux d’enfoirés, forcément
- Une durée trop longue pour jeu familial
- Une direction artistique trop générique
- On doit en permanence glisser des cartes les unes sous les autres, le genre de truc relou qui oblige à tout réagencer une fois sur deux
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