Critique Ilôs [2017]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le jeudi 4 janvier 2018 à 09h00

Yo ho, et une bouteille de rhum !

La découverte récente de l'archipel perdu d'Ilôs a relancé la course aux richesses. Ancien berceau d'une civilisation disparue, cet endroit regorge d'or et de ressources rares qui attirent les seigneurs-marchands du monde entier. Vous êtes l'un d'entre eux, impatient d'exploiter ce nouveau monde à l'aide de votre puissante flotte. Explorez d'anciennes ruines, installez des plantations ou des comptoirs, construisez des forts pour vous protéger des pirates, et contrôlez l'augmentation des prix des ressources. Votre but : devenir le plus riche des marchands !


Ilôs est un petit jeu bien sympathique pour 2 à 5 joueurs, avec un gameplay riche mêlant optimisation de main de cartes, placement de meeples et gestion de ressources. C'est une boîte parfaitement dans l'air du temps : le prix est très contenu, les parties sont courtes (environ 45 minutes), le jeu est destiné au public "Familial+" et l'esthétique est particulièrement soignée.

Le problème, c'est qu'il doit faire face une concurrence assez rude dans cette gamme de produit.  Maintenant, il ne suffit plus d'être bon : il faut être à la fois excellent et original. Regardons ensemble si le petit nouveau arrive, dans ces conditions, à tirer son épingle du jeu.

Un matos irréprochable… 

En tout cas la première impression, à l'ouverture de la boîte, est franchement flatteuse. Celle-ci est pleine comme un œuf et contient :
- 15 Meeples personnalisés par joueur (10 explorateurs et 5 bateaux);
- 1 écran / aide de jeu par joueur, avec son petit plateau individuel assorti;
- 20 tuiles hexagonales représentants l'archipel d'Ilôs;
- Un deck de 95 cartes;
- Des tokens de ressources (ébène, teinture, épice et or) en quantité largement suffisante;
- Un plateau indiquant la valeur des différentes marchandises.

Le matos est qualitatif, et impressionne pour un jeu vendu dans cette gamme de prix. Allez, pour chipoter, on peut dire que les écrans individuels et le plateau de marché auraient gagnés à être un peu plus épais. Mais c'est vraiment du détail. Je ne sais pas si c'est important pour vous, mais là j'ai vraiment le sentiment d'en avoir pour mon argent.

Au niveau de l'esthétique, c'est là aussi une belle réussite. Les meeples - développés spécialement pour le jeu - sont bien en phase avec le design général et restent facilement identifiables. L'iconographie est claire, et permet de rentrer dans le jeu rapidement. Les tuiles hexagonales, par contre, sont un peu trop petites. Cela nuit à la lisibilité lorsqu'il y a déjà plusieurs exploitations dessus : on peut avoir du mal à identifier rapidement celles qui sont encore disponibles. Cela étant, le résultat reste très sympathique, coloré et chaleureux. Il me rappelle beaucoup Jamaica, sans doute à cause de la thématique (et des pirates, bien entendu).


Une partie en cours


Le manuel, quant à lui, est vraiment trop chargé, limite compressé. Les six pages d'explications auraient méritées d'être nettement plus aérées. En l'état, c'est complètement indigeste avec de l'information partout. Mais c'est un demi-problème, car heureusement l'aide de jeu qui se trouve au verso de l'écran est beaucoup plus claire et répond à l'essentiel des questions.

Un dernier point pour finir : si vous êtes chatouilleux sur le thème de la colonisation, l'ambiance et le thème du jeu risquent de vous faire grincer des dents. Dans ce cas, ce ne sera peut-être pas la boîte qu'il vous faut… Bon, après je dis ça parce que j'ai vu quelques polémiques émerger sur le Net, mais personnellement ça ne m'a pas fait tiquer plus que ça (et défense de rétorquer que c'est parce que je suis un mâle hétéro cis blanc, merci :-).

… Au service d'une mécanique très simple

Positionnement "Familial+" oblige, le jeu est vraiment très simple à prendre en main. L'éditeur dit qu'il faut moins de 5 minutes pour apprendre les règles. Ça me paraît un poil optimiste, même avec des joueurs rompus aux jeux de sociétés modernes, mais l'ordre de grandeur est là.

Pour débuter une partie, tout le monde commence par prendre ses 5 bateaux, ses 10 explorateurs ainsi que 5 cartes piochées dans le deck. Une fois que c'est fait, on attaque par un premier tour de positionnement : les joueurs placent à tour de rôle une tuile (et un bateau à leur couleur dessus) pour matérialiser les premières îles de l'archipel d'Ilôs.

Ensuite, le jeu commence réellement. Le premier joueur peut utiliser les cartes qu'il a en main afin de réaliser une ou plusieurs actions. Il y a 6 cartes différentes dans le deck, la plupart permettant de réaliser plusieurs tâches différentes :


Les différentes cartes du jeu


La croisière s'amuse

Par exemple, une seule carte permet de gérer toutes les actions relatives aux bateaux (déplacement, découverte de nouvelles îles, etc.). Le chiffre "1" en haut à droite signifie qu'il faut défausser une autre carte de votre main pour pouvoir la jouer. Cette carte permet, au choix, d'ajouter une nouvelle tuile sur la zone de jeu (et là encore de poser un petit bateau dessus), ou de déplacer un bateau vers une autre île ou un repaire de pirate.

Les bateaux permettent, en quelque sorte, de "mettre à disposition" les explorateurs afin qu'ils puissent réaliser les différentes constructions. De ce fait, celui qui n'a pas de bateau accosté sur une île ne pourra pas construire dessus. Certains bâtiments évolués (comme la mine d'or) nécessitent la présence de 2 bateaux du joueur pour être construits.

En général, un bateau ne reste pas sur la même île tout au long de la partie, typiquement parce que les exploitations intéressantes ont toutes été ouvertes. Une carte déplacement permet de déplacer n'importe quelle embarcation à l'endroit de son choix, que ce soit sur l'île d'en face ou à l'autre bout du plateau.

Les repaires de pirates sont quant à eux disposés en pleine mer. Un bateau placé dessus n'est donc en contact avec aucune île. Par contre, celui qui l'occupe augmente le nombre de cartes que ses adversaires devront défausser pour construire un bâtiment. Cet effet s'applique sur toutes les îles en contact direct avec le repaire, et dure tant que le joueur ne déplace pas son bateau.

La collecte de ressources est au cœur du jeu

Jusqu'ici, c'est simple. Mais rassurez-vous, le reste est du même tonneau (de rhum, bien entendu). 4 cartes sur les 6 sont dédiées à la construction. Un premier point à signaler est qu'on ne fait pas ça n'importe où. Les tuiles comportent des zones dédiées à chaque bâtiment ou ressource, et il n'est pas possible d'en rajouter de nouvelles. Lorsque toutes les mines d'ébène sont prises, c'est trop tard. Lorsqu'une île est complètement finie, il ne reste plus qu'à aller voir ailleurs :


Posage des tuiles


Prenons par exemple la carte qui permet de construire, au choix, une exploitation d'ébène, d'épice ou de teinture. Elle nécessite de défausser 2 cartes (3 si l'île est menacée par un pirate adverse). Quand on la joue, on pose un explorateur sur l'exploitation que l'on souhaite ouvrir, puis on place une ressource correspondante sur son plateau individuel. Ce petit plateau, visible de tous, indique d'un coup d’œil le nombre de mines contrôlées par chaque joueur, et donc le nombre de ressources qu'il va collecter par tour.

En effet, tout l’intérêt du jeu consiste à cibler les marchandises qui deviendront les plus rentables. De base, chaque ressource vaudra 1 en fin de partie, sauf l'or qui vaudra 2. Il y a une carte qui permet d'augmenter la valeur d'une ressource, jusqu'à un maximum de 5 (et 10 pour l'or, qui décidément ne fait rien comme les autres). Pour poser cette carte, il faut défausser une ressource du type l'on souhaite augmenter. Le problème est que la valeur est augmentée pour tous les joueurs, et pas seulement pour soi. Celui qui aura investi, tour après tour, pour monter l'ébène à sa valeur maximale aura sacrifié 25 points, ce qui est loin d'être négligeable sachant que les scores peuvent monter jusqu'à 150 à 200.

Du coup, en général, en début de partie tout le monde essaie de créer quelques exploitations de chaque type afin de ne pas se fermer d'opportunité. Dès qu'un joueur commence à monter une ou deux fois la valeur d'une marchandise, les autres se ruent sur les exploitations restantes pour profiter de l'opportunité, et assez rapidement il n'en reste plus aucune de disponible sur le plateau.

Pour finir, il y a 2 cartes dont je n'ai pas encore parlé. La première permet au choix de construire soit un fort (qui protège son île des pirates) soit un comptoir (qui donne une exploitation de son choix). La seconde permet d'explorer un temple et rapporte 3 ressources d'or en oneshot. Voilà, on a fini notre petit tour sur les cartes.

Les tours s'enchaînent sans temps morts

Revenons sur le déroulement d'une partie. Nous disions que le premier joueur peut utiliser les cartes qu'il a en main afin de réaliser une ou plusieurs actions. Il peut mettre fin à son tour quand il le veut, et toutes les cartes non utilisées sont conservées pour le tour suivant.

A la fin de son tour, il pioche 3 cartes, plus 1 par bateau posée sur le plateau, plus 1 par fort. Il prend également une ressource par mine ouverte (et c'est là qu'on apprécie le petit plateau individuel). Les mines sont visibles de tous, mais les ressources collectées sont cachées derrière le paravent. Ensuite, c'est au joueur suivant. La partie s'arrête lorsqu'un joueur a posé la totalité de ses 10 explorateurs.

Le comptage des points en fin de partie peut provoquer des sueurs froides, suivant votre mémoire et/ou vos aptitudes en calcul mental. Chaque joueur multiplie le nombre de chaque ressource par leur valeur, puis additionne le tout. Un petit bloc-notes aurait clairement été bienvenu pour faciliter ce comptage. Vous noterez qu'il n'y a pas de scoring de fin de partie, pas de multiplicateur de point, et donc pas de bonne (ou de mauvaise) surprise.


Les ressources du jeu


Du coup, la clé de la victoire consiste à construire ses exploitations le plus tôt possible. Et surtout à deviner quelles seront les plus rentables avant les autres. Par contre l'or, de mon point de vue, n'est pas une marchandise très intéressante. Il faut sacrifier 5 ressources et donc 50 points pour monter sa valeur au maximum, ce qui est assez difficile sachant que les mines d'or demandent beaucoup de cartes pour être construites. Or, le pillage des temples permet de récupérer 3 ors immédiatement. Du coup, vos adversaires pourront se constituer un stock proche du votre en 1 ou 2 tours à peine, sans avoir investi un kopeck. C'est assez frustrant, voir rageant. En tout cas, mes différentes stratégies basées sur l'or ont toujours lamentablement échouées. Mais peut-être serez-vous plus sioux.

Yo ho, et une bouteille de rhum !

Il y a par contre un élément de gameplay que j'ai particulièrement apprécie à Ilôs : ce sont les pirates. Ils sont un peu près l'équivalent du trait de Tabasco dans un cocktail Bloody Mary : le petit ingrédient qui rajoute du pep's à la recette tout en s'intégrant parfaitement au reste.

Je m'explique : Ilôs est un jeu plutôt tranquille et bon enfant, ou l'affrontement ne joue pas un rôle prépondérant. En apparence, du moins... Cependant, les pirates sont un moyen de gêner ses adversaires à la fois suffisamment mineur à première vue pour ne pas pourrir l'ambiance de la partie (même avec des mauvais joueurs patentés comme moi-même), mais suffisamment impactant pour avoir un effet réel sur le déroulement du jeu.

Par exemple, ils peuvent servir à « réserver » une île qui contiendrait plusieurs exploitations intéressantes. S'y installer serait plus coûteux pour vos adversaires, donc moins rentable. Les autres joueurs iront ailleurs, si c'est possible bien entendu. Ils laisseront votre petit coin tranquille pendant quelques tours, que vous pourrez consacrer à autre chose.

De plus, le fort et le comptoir se construisent sur le même emplacement. Construire l'un c'est donc renoncer à l'autre. Or, le comptoir est absolument crucial en milieu / fin de partie, lorsqu'il faut maximiser la récolte de la ressource qui vaut 5 points. La protection a donc un impact sur le score, qu'il convient de mettre dans la balance. C'est un petit plus intéressant en matière de stratégie.

Un pirate bien placé fera vite dépenser 6/8 cartes de plus à vos adversaires, soit grosso modo un tour de perdu… C'est la petite différence entre la première et la deuxième place. Par contre, ils sont complètement inutiles en fin de partie. Tout est donc histoire de timing, et j'imagine que c'est pour ça qu'on ne les utilise pas trop dans ses premières parties. C'est à mon sens une erreur, ils rajoutent beaucoup d'intérêt (et de pression psychologique) au jeu.

Beep-beep chez les pirates

Une autre caractéristique importante d'Ilôs est son rythme, qui ne cesse de s'accélérer tout au long de la partie. Au début, on pose surtout de nouvelles tuiles, ainsi que des forts afin de se protéger des pirates. Cela permet d'augmenter assez rapidement sa main à 8 - 10 cartes, c'est-à-dire la capacité de construire 3 exploitations par tour (ou 2 si vous y incluez une mine d'or). A ce moment-là, il ne vous faudra que 2 ou 3 tours pour poser tous vos explorateurs et finir la partie.

D'une certaine manière, ce rythme endiablé amène aussi ses inconvénients. Si vous ratez vos premier tours, soit parce que les cartes ne sont pas avec vous, soit parce qu'un petit coquin a placé un !"#@ de bateau pirate près de votre île de départ, alors la victoire est plus que compromise. Après, ce n'est pas trop grave puisque les parties sont courtes. Et puis, cela nourrit le désir de revanche et pousse à en refaire une petite, juste pour le fun et absolument pas pour régler des comptes…

Les parties suivent en général plutôt le même chemin, pourtant la rejouabilité est plutôt bonne grâce au rythme très intense, et à la variabilité des situations amenées par les tuiles. Je ne constate aucune trace de lassitude sur une bonne dizaine de parties, bien au contraire. Le jeu se sort bien, et à chaque fois qu'il est proposé tout le monde dit de manière assez unanime « ah ouais, tiens, bonne idée ».

​Pour finir, le jeu nous a offert le même plaisir à 2 comme à 5. Pour une fois, je n'ai pas eu l'impression que l'augmentation du nombre de joueurs limitait la profondeur tactique. Bon, après, ce n'est pas non plus le jeu de l'année en terme de stratégie. D'une part, il faut garder en mémoire qu'on s'adresse plutôt à un public familial. Et puis d'autre part, le format retenu (30 à 45 minutes par partie) nécessite des mécaniques fluides et épurées. Ce n'est pas le genre de jeu où chacun prend 20 bonnes minutes de réflexion pour planifier son prochain tour (Oui, Exodus, je pense à toi).

La conclusion de à propos du Jeu de société : Ilôs [2017]

Auteur Gaetan G.
82

Ilôs est ma foi un petit jeu fort sympathique. Sur la forme, c'est un sans faute : le thème est bien présent, et il est superbement mis en valeur par un matériel et des illustrations magnifiques. Sur le fond, on sent qu'un gros travail a été fait sur la simplification des mécaniques et la fluidité du jeu. C'est un produit parfaitement calibré pour un public familial, qui souhaiterait monter en gamme et en complexité. Des joueurs plus aguerris seront probablement frustrés par les interactions assez limitées avec les autres, ainsi que par la simplicité de la formule qui ne varie quasiment jamais tout au long de la partie. Néanmoins, il s'agit d'une excellente boîte, facile à sortir, rapide à expliquer, qui plaira  à tous les publics et tout-à-fait recommandable pour occuper une petite heure entre amis. Encore une bien belle réussite de la Boîte à Jeux.

On a aimé

  • Belle esthétique
  • Contenu généreux pour le prix
  • Se ressort facilement
  • Court mais pas inintéressant pour autant
  • Rythme soutenu
  • La mécanique des pirates, pas trop agressive mais qui peut avoir une réelle influence sur la partie si elle est bien utilisée

On a moins bien aimé

  • Le comptage (un petit carnet aurait été sympa pour ceux qui ont une mémoire de poisson rouge ou ne savent pas bien multiplier)
  • Premiers tours à ne pas rater, sinon vos chances de victoires sont minces (pour être poli)
  • Pas d'interactions entre les joueurs en dehors des pirates

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