Critique The Cloverfield Paradox #3 [2018]
Avis critique rédigé par Vincent L. le mardi 6 février 2018 à 12h00
The Interstellar Paradox...
Sortie surprise de ce début d'année 2018, The Cloverfield Paradox est apparu sur le catalogue Netflix après une campagne de communication aussi rapide qu'efficace. Annoncé au milieu des trailers du superbowl, ce troisième opus de la saga Cloverfield a quasi-immédiatement été mis en ligne sur la plateforme du géant du streaming. Un coup de comm' diablement efficace qui, en jouant sur la surprise, a immédiatement placé le film parmi les plus gros succès de Netflix. Une nouvelle fois, Cloverfield s'impose comme l'un des maîtres-étalons hollywoodiens en terme de marketing, la façon dont sont vendus les différents films qui composent la franchise étant beaucoup plus passionnants que les films eux-mêmes. The Cloverfield Paradox ne déroge d'ailleurs pas à la règle, car en dépit de l'efficacité de la campagne publicitaire (on a regardé quand même le film le jour de sa sortie), le résultat final s'avère on ne peut plus médiocre.
Si Cloverfield et 10 Cloverfield Lane ne sont pas franchement inoubliables, ils n'en demeurent pas moins des divertissements efficaces. Cloverfield était certes con à bouffer du foin, mais il bénéficiait de la réalisation immersive de Matt Reeves qui parvenait à conserver l'attention du spectateur et à instaurer un bon suspens (voir la critique complète). 10 Cloverfield Lane était quant à lui un huis-clot ultra classique qui ne parvenait jamais à surprendre, mais la mise en scène maîtrisée de Dan Trachtenberg et l'interprétation géniale de John Goodman en faisaient au final un bon petit thriller bien tendu (voir la critique complète). Bref, même si les films Cloverfield sont des série B complètement survendues, ils n'en demeurent pas moins suffisamment sympathiques pour que la sortie d'un troisième opus titille notre curiosité. Malheureusement, si The Cloverfield Paradox possède des défauts similaires à ses prédécesseurs, il n'en a pas les qualités formelles...
On a beau savoir qu'il ne faut pas regarder un film estampillé Cloverfield pour la profondeur et la richesse de son histoire, The Cloverfield Paradox parvient tout de même à surprendre par la nullité consternante de son scénario. Ecrit par Doug Jung (Star Trek Sans Limites) et Oren Uziel (Freaks of Nature), le film est un huis-clot spatial qui va allègrement piocher dans une multitude de référence (Solaris, Interstellar, Sunshine, Gravity, Alien pour les plus évidents) afin de mettre en place une pauvre histoire à base dimensions parallèles comme on en a déjà vu des centaines, qui plus est péniblement justifiée par des dialogues sans queue ni-tête utilisant le name-dropping le plus maladroit vu depuis bien bien longtemps (« Hamilton... fait attention au boson de Higgs... »). Les diverses péripéties ont beau être très nombreuses, elles ne parviennent pas à masquer l'immense bétise sur laquelle est construite le film.
L'impression est d'autant plus renforcée que le casting semble complètement perdu dans cette galère, visiblement livré à lui-même sans véritable instructions de jeu. Outre le non-sens total des nationalités et le concours d'accents ratés (dans cette station internationale, un Irlandais joue l'Italien, un Américain joue le Brésilien, un Norvégien joue le Russe, un Allemand joue l'Allemand), les comédiens sont complètement à la ramasse. Et ce n'est pas qu'ils jouent mal, c'est qu'on a l'impression qu'ils ne jouent pas dans le même film : Chris O'Dowd est dans une comédie là où David Oyelowo est dans un drame, Elizabeth Debicki en fait des caisses face à une Gugu Mbatha-Raw très sobre, Zhang Ziyi est la seule comédienne du casting à parler chinois sous-titré, quant à Daniel Brühl il semble simplement ne rien comprendre à ce qu'il joue (en même temps, il est vrai que ses dialogues n'ont pas beaucoup de sens).
Derrière la caméra, Julius Onah (dont c'est le deuxième long-métrage après The girl is in trouble, inédit en France) est incapable de tirer quoique ce soit de tout ce bordel. Sa mise en scène part dans tous les sens, changeant de ton et de rythme en fonction des péripéties qui surviennent : certaines sont traitées sur le ton de l'humour (le coup du bras), d'autres sur le mode film d'horreur (la passagère dans les cloisons), on passe du film catastrophe (la noyade) à l'aventure spatiale (la sortie). Encore plus génant, Onah ne parvient pas à maintenir un rythme et une tension dans son film : en dépit du nombre important de péripéties (à ce niveau, le film ne s'arrête pas et ne prend jamais le temps de se poser), on finit tout de même par s'ennuyer. Peut-être parce que l'histoire n'a pas de sens, peut-être parce que les personnages ne sont pas attachant, mais surtout parce que la mise en scène manque sérieusement de rigueur et d'une vision artistique.
Il faut dire, à la décharge du réalisateur, qu'il peut être être compliqué d'instaurer une atmosphère dans un décor en plastique low-cost. The Cloverfield Paradox fait franchement peine à voir : on a rarement vu un vaisseau spacial plus fake dans une production de cette envergure. C'est bien simple : on ne croit à rien, des effets de base (les étoiles par les hublots, c'est du papier peint !) aux technologies utilisées (le gyroscope, cet espèce de gros ballon de foot qui clignotte), on devine constamment les bords du décor. Il faut attendre de sortir de la station spatiale (où se passe quand même 80% de l'action) pour avoir le droit à quelques effets un minimum convaincants, de la sortie dans l'espace (pas trop mal fichue) aux passages qui se déroulent sur Terre (et qui sont les plus soignés, c'est peut-être ça le paradoxe du titre). Pour un long-métrage à 40 millions de dollars de budget, ça fait peine à voir...
Vous l'aurez compris, The Cloverfield Paradox est un gros ratage qui n'est parvenu à attirer l'attention que par son ajout dans la saga Cloverfield. En effet, le film n'était au départ pas destiné à être une suite à Cloverfield (il fut un temps titré God Particle), J.J. Abrams l'ayant relié à la franchise après coup (ce qui explique probablement le budget important, ainsi que la présence de tous les passages qui ont lieu sur Terre et qui semblent ajoutés au forceps dans le déroulé du film). La technique n'est pas nouvelle (10 Cloverfield Lane n'était pas censé être une suite à Cloverfield non plus), mais, du coup, se pose la question de la place du film dans la franchise. Et bien, là aussi, le constat n'est pas fameux : basé un point de départ qui ne rappelle en rien les autres films (le monde est sur le point de sombrer dans une guerre mondiale à cause d'un problème d'énergie), The Cloverfield Paradox n'apporte pas grand chose au bousin.
Chronologiquement situé avant et pendant le premier film, The Cloverfield Paradox se garde bien de se montrer trop aventureux dans les liens qu'il tisse avec le reste de la franchise. Les plus optimistes pourront voir des rapports de cause à effet entre les films, mais la réalité, c'est que rien dans le scénario ne garantit qu'il y ait un quelconque lien entre les deux (l'explication n'est jamais explicitement donnée, donc peut-être s'agit t-il simplement d'une coïncidence : les deux évènements ont lieu en même temps sans être connectés). En fait, à l'exception d'un plan en milieu de métrage (le mari devant l'hopital), il faut vraiment attendre les deux dernières minutes pour réellement voir The Cloverfield Paradox s'inscrire dans la franchise. Et à ce niveau, n'attendez pas une révélation, un élément nouveau ou quoique ce soit d'un peu original, vous aurez juste trois répliques et une image. Ça ressemble foutrement à du foutage de gueule tout ça...
La conclusion de Vincent L. à propos du Film : The Cloverfield Paradox #3 [2018]
The Cloverfield Paradox est un naufrage artistique déguisé en coup de génie marketing, un bide en puissance devenu l'un des gros succès de Netflix grâce à la magie de la publicité. J.J. Abrams a réussi son coup pour la troisième fois : la campagne de comm' s'est avérée plus intéressante que le produit final. Pour le reste, il n'y a pas grand chose à retenir de ce film extrêmement médiocre qui échoue sur à peu près tout ce qu'il tente de faire. Si le genre vous tente, regardez plutôt Pandorum ou Life - Origine Inconnue, ce sera autrement plus efficace et vous éviterez de perdre 1h40 de votre vie...
On a aimé
- Quelques petits passages réussis ici et là.
On a moins bien aimé
- Aucune mise en scène, aucune direction artisitique,
- Un scénario sous-écrit navrant de bétise,
- Le rythme péniblement entretenu,
- Des acteurs à l'abandon qui font pitié à voir,
- Les décors en plastique auquel on ne croit jamais,
- Le rapport à la franchise Cloverfield qui tient du foutage de gueule,
- Bon sérieusement, ils sont où les 40 millions de budget ?
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