Entretien avec Neko, des éditions 7ème Cercle
La petite boîte qui monte, qui monte...
Fin mai 2007, le Septième Cercle animait un imposant stand à l’occasion de la Gencon Paris. Dans le cadre de cette convention axée sur un grand nombre de supports ludiques comme le jeu de rôle, le jeu de plateau et le jeu à figurines fantastique, les exposants avaient tout loisir de présenter leurs produits et animer des démonstrations. C’était le cas de cette jeune et dynamique société qui, en plus de présenter leurs nouvelles créations au nombreux public du Palais des Expositions de Montreuil, avait mis à disposition un confortable espace pour leurs auteurs, ces derniers se prêtant alors volontiers au jeu des dédicaces. Florrent étant fort occupé à animer l’espace jeu de plateau, c’est son alter égo féminin, Neko, qui a eu l’amabilité de se prêter au petit des questions-réponses.
Bastable : bonjour Neko, pourrais-tu te présenter aux internautes qui n’auraient pas la chance de te connaitre.
Neko : je me nomme Neko, je suis la gérante de la société Septième Cercle, et également auteur sur quelques jeux.
Bastable : quel a été ton parcours ludico-professionnel ? Celui qui t’as amené à occuper cette fonction ?
Neko : en réalité, je suis une rôliste de très longue date, parallèlement, dans le milieu professionnel, j’occupais le poste de commercial. Au bout de quelques temps, il nous est venu l’idée, à Florrent et moi-même, de créer une société éditrice de jeux de rôle. Et nous nous sommes lancés dans l’aventure… Dans un premier temps, nous avons continué à occuper nos emplois en cours, puis, le succès aidant, nous nous sommes totalement consacré à Septième Cercle.
Bastable : Septième Cercle, c’est combien de personnes ?
Neko : deux personnes (ndb : Neko, plus son cher et tendre Florrent, maquettiste et auteur de talent), avec une quarantaine de collaborateurs en free lance.
Bastable : alors Septième Cercle et Nekocorp, quelle est la différence ? Sont-elles deux sociétés bien distinctes ?
Neko : Non. Septième Cercle, c’est le nom de la société. On se consacrait au début uniquement au jeu de rôle. Puis, nous avons commencé à éditer des jeux de plateau. Nous avons alors pensé que Septième Cercle sonnait un peu trop « rôliste », avec une imagerie occulte, même si cela n’est pas le cas. Donc, nous avons cherché un nouveau label, et Nekocorp a été choisi avec un petit logo de chat, assez bien adapté à la collection jeunesse que nous développons actuellement.
Bastable : quels sont les produits que vous proposez ?
Neko : dans le secteur des jeux de rôle, nous développons les gamme de Qin, un jeu de rôle héroïque dans l’antiquité chinoise, Humanydyne, un jeu de super héros, et nous venons de sortir Kuro, un jeu de rôle futuriste que se passe dans le Japon de l’an 2046. Un Japon où des évènements mystérieux et occultes font leur apparition. C’est un univers mixant les thématiques de Blade Runner, Ghost in the Shell et Bienvenue à Gattaca et qui peut évoluer vers un jeu héroïque ou un jeu d’enquête, en fonction des goûts de joueurs.
Bastable : au sujet de Kuro, la nouveauté Septième Cercle, est-ce un jeu à suivre ? Le premier livre est-il le début d’une histoire qui va se vouloir fermée ?
Neko : Non. Kuro, sous sa forme actuelle, est un jeu complet. Dans ce livre, on trouve le background de base, le contexte historique, les règles de simulation, le système de création de personnages, plus deux scénarios. On peut parfaitement en rester là. Maintenant, si le joueur désire développer une campagne et faire évoluer ses personnages au cœur d’un background plus héroïque, il peut être intéressé par la campagne qui va bientôt paraître, avec un système de règles plus évolué et une atmosphère bien différente.
Bastable : peut-on considérer Kuro comme un jeu cyberpunk ?
Kuro : Non. Pas du tout. Le cyberpunk est un mouvement né des années 80 et il se trouve que le futur n’a pas évolué dans ce sens. Il n’y a pas de câblés, tout ce genre de choses. Nous avons plutôt essayé de construire un jeu futuriste, une anticipation, en se basant sur la avancée médicales et biotech actuelles, et en s’appuyant sur les projections mises en avant par les experts dans le domaine. Nous voulions vraiment bâtir un univers crédible. Donc, pas d’individus de métal chromé mais du clonage et des implans bios. En fait, notre idée de départ était Constantine. Cela peut sembler un peu curieux. On a donc réfléchi sur un Constantine japonais, et on y a glissé nos inspirations. Au fur et à mesure du développement, la matière originelle s’est effacée pour laisser la place à une sorte de Blade Runner japonais.
Bastable : alors, dans Kuro, quels personnages peux-tu incarner ?
Kuro : en fait, tu ne joues pas un individu engagé pour une mission, comme dans la plupart des jeux cyberpunk. En fait, tu peux interpréter toute sorte de personnage – un étudiant, un dealer, un médecin, un policier, le choix est large. Ce personnage va alors être confronté à une série d’évènements surnaturels dans cette société pragmatique et hyper technologique. Dans ce monde refermé sur lui-même en raison d’un blocus international, puisque le Japon a été épargné – sans que personne ne sache pourquoi – par le lancer d’une bombe, ces gens vont se rendre compte que quelque chose de terrifiant se prépare. En fait, nul ne sait ce qui se passe réellement…
Bastable : d’où une apparition de monstres et de démons à la Constantine ?
Neko : oui, et non. Tout d’abord, les démons, cela n’existe pas réellement au Japon. Ce sont plutôt des esprits, des Kami, dont certains ne sont guère aimables, comme le Tengu. Je ne veux pas trop en dire là-dessus, c’est l’un des points forts et des surprises du jeu. Mais, pour te citer un exemple, tu pourras, oui, croiser le fantôme Sadako de la saga Ring, au détour d’une aventure. Nous sommes fan des films japonais, les bons, car il y en a de nombreux de mauvais. Et les œuvres comme Ring, Kairo et Dark Water nous ont fortement inspiré. Nous avons d’ailleurs essayé de coller un peu au mythe avec de petits détails de règles, comme l’annulation du chiffre 4 sur le dé, qui dans la tradition japonaise correspond aussi à la mort (shi). Voilà, quelque petit trucs rigolos comme ça, mais rien de compliqué.
Bastable : le système est donc simple ?
Neko : oui. Très, très simple. De plus, nous avons introduit dans la règle un bon nombre d’archétypes, à la manière d’un pur prêt à jouer. Nous nous sommes penchés sur le fait que la vie du meneur de jeu devait être facilitée. Donc, toute personne ayant une petite connaissance de la culture et du folklore japonais peut débuter comme meneur de jeu à Kuro. Ce jeu fera le bonheur également de tous les maîtres de jeu expérimentés qui ont de moins en moins de temps à consacrer dans l’étude de pavés de règles et qui apprécient les systèmes souples et dédiés à un univers.
Bastable : tu ne nous a pas parlé de Esoterrorist ..
Neko : oui, car Esoterroristes est une traduction. C’est un jeu qui nous est cher et que nous avons voulu éditer car il permet de mettre en place des scénarios d’enquête très souples. Pour te citer un exemple, les joueurs de l’Appel de Cthulhu ont tous connu la mésaventure de ne pas trouver le bon livre car ils avaient raté leur jet de dé. Ou y’a aussi le cas du type hyper balaise en langue qui rate son jet de traduction alors que le collègue, avec ses minables 02% le réussi. Cela peut se révéler frustrant pour le joueur, et même si le meneur arrondit les angles, cela reste bancal. Dans Esoterrorist, tout cela est rectifié. Dans ce jeu, un joueur est considéré comme un expert dans une compétence, il est incollable, pour ainsi dire. Dans son domaine, à partir du moment où il se pose la bonne question au bon moment, il va parvenir à ses fins. Attention, il y a quand même des jets de dé. Si un type veut sauter une distance considérable, il va effectuer un test. Il y a donc des jets de dé de caractéristique. Mais pour ce qui est des compétences, on part du principe que si tu maitrise un domaine, tu ne vas pas faire de conneries. Tu peux ensuite ajuster ou améliorer tes actions par le biais de points bonus.
Au niveau du background, c’est un peu spécifique, mais le système peut être utilisé dans n’importe quel jeu d’enquête. Dans Esoterrorists, vous faites partie de l’Ordo Veritatis, vous combattez des Esoterrorists, des individus qui convoquent des démons et des monstres, juste pour satisfaire leur soif de pouvoir. Vous essayez de masquer cette vérité au grand public et dans un même temps, vous devez mettre hors d’état de nuire cette bande de déments. Vous faites donc partie d’une organisation tentaculaire, avec même la présence de Nettoyeurs qui passent après vos interventions pour effacer toute trace.
Bastable : l’ambiance est donc pulp ?
Neko : Non, le fond est sérieux. Les éléments qui sont présents sont très violents et les individus agressifs, ce n’est pas fun du tout. Maintenant, libre à toi d’utiliser ce background ou non. D’ailleurs, l’un des prochains suppléments consacré à ce système (ndb : intitulé système Gumshoe) verra le retour des Grands Anciens dans les bacs puisqu’il s’agira de Trail of Cthulhu. Nous le sortirons en vf très rapidement après sa sortie anglaise. Je pense que ce système de scènes, de séquences propres au Gumshoe, peut être bénéfique dans le cadre de Cthulhu, avec cette forme de mise en scène cinématographique. Cela permet de mettre en valeur le scénario. Il y a même une option très intéressante pour ce type de jeu : quand aucun personnage n’a la compétence requise pour effectuer une action, chacun peut utiliser une valeur de point de réserve qui permet d’acquérir sur l’instant la compétence nécessaire pour passer l’obstacle. Cela permet de donner le beau rôle aux joueurs, cela met en valeur leurs actions. Au-delà de ça, je tiens à préciser que cela n’est pas un diceless.
Bastable : ce n’est pas Ambre, c’est ce que tu veux dire…
Neko : oui, voilà, ce n’est pas Ambre. Ce n’est aucunement arbitraire. Il y a des règles, même si elles sont très simples à suivre.
Bastable : passons maintenant, si tu le veux bien, aux jeux de plateau
Neko : nous sommes actuellement dans la promotion des Ribauds, un superbe jeu de bluff et de ruse. A la rentrée, nous sortirons une nouvelle édition de London 1888, qui sera disponible également en langue allemande, ainsi que Banquise, notre petit jeu avec des pingouins dedans, en version trilingue.
Bastable : Et au jour d’aujourd’hui, si tu devais faire un bilan de ton expérience…
Neko : je suis très contente (grand sourire)
Bastable : beaucoup disent le milieu sclérosé, voire végétatif…
Neko : il y a des secteurs qui se sclérosent. Mais il ne faut pas faire de catastrophisme passif. Nous, personnellement, nous avons décidé de travailler énormément pour trouver des solutions. Nous essayons de faire bouger les choses. Je ne dis pas que cela marche à tous les coups et que l’on ne s’est jamais planté. De toute façon, l’expérience vient également des leçons tirées de nos erreurs. Le marché du jeu est fragile et celui du jeu de rôle, c’est vrai, est très problématique. Notre chance est que nous sommes nos propres distributeurs et que le réseau de distribution en France tient le choc – contrairement aux USA où c’est actuellement la catastrophe. Dans l’hexagone, nous sommes des privilégiés, nous avons encore des rôlistes qui bougent et qui ont compris qu’il fallait qu’ils se mobilisent pour défendre leur passion. Le jeu de rôle a évolué, avec des gammes fermées, des règles de moins de 140 pages, des aides sur l’internet, le tout avec une communauté très active. Pour le moment, tant que les magasins conservent leur étagère de jeu de rôle, quelque soit sa dimension, rien n’est perdu. Le jour où, comme aux Etats-Unis, les boutiques refuseront de mettre en place une étagère de jeux de rôle, à ce moment nous aurons des ennuis.
Bastable : chez Septième Cercle, qu’est-ce qui se vend le mieux, le jeu de plateau ou le jeu de rôle ?
Neko : Les Morts aux Trousses, par exemple, a très bien marché. Cependant, comme pour le reste de l’économie, en raison de la campagne électorale, le dernier trimestre 2006 et le premier trimestre 2007 ont été catastrophiques. Durant cette période, le jeu de rôle a mieux marché que le jeu de plateau. C’est l’une des raisons qui fait que l’on a repoussé de nombreuses sorties. Mais cela va repartir, c’est très clair.
Bastable : il y a aussi l’accalmie estivale…
Neko : et bien pas pour nous ! Tout le monde nous dit de ne rien sortir en été. Et il nous est arrivé de faire un mois de juillet aussi bon qu’un moins de décembre.
Bastable : sans blague ?
Neko : si, si, je t’assure. Il y a peut-être moins de magasins, mais ceux qui restent ouverts en juillet- aout travaillent beaucoup. Les gens sont en vacance, ils ont plus de disponibilité, ont d’autres envies. Ce n’est peut-être pas le même type de jeu ; cela sera plutôt des jeux plus simples, plus courts que leurs jeux habituels, mais ils sont demandeurs de toute façon. Les suppléments de jeu de rôle servent aussi souvent de lecture estivale.
bastable : un petit regard en arrière sur la Gencon ?
Neko : j’aime bien. Il y a une bonne ambiance. J’apprécie de toute manière beaucoup ces salons ont l’on peut rencontrer nos clients, car en temps normal, ce rapport est coupé par les boutiques qui font l’intermédiaire. Les discussions sont toujours très agréables et enrichissantes. Cela nous permet de faire des démos de nos nouveaux produits et nos auteurs viennent pour dédicacer. C’est très convivial. Cette année, c’est un nouvel espace. Plus grand, plus aéré, c’est vraiment très agréable. Ce qui est très satisfaisant, c’est qu’il y a tous les types d’éditeur, du hardcore gamer au grand public, ce qui amène un brassage de visiteurs très intéressant. On s’aperçoit que les mentalités ont un peu changé, le rôliste n’est plus aussi spécifique, il profite de la Gencon pour s’essayer à autre chose. Nous avons eu la visite de rôlistes qui ont essayé les Ribauds, un jeu quand même plus familial que Les Morts aux Trousses. C’est comme la clientèle rôliste, nous vendons nos jeux indépendants à des joueurs qui se consacrent à AD&D et qui téléchargent aussi des petits jeux de rôle sur l’Internet. Il y a moins de joueurs exclusifs, de mono-obsessionnels, même s’il en reste encore (rire).
Bastable : tout le monde se met à la figurine, et Septième Cercle ?
Neko : non. Ce n’est pas notre truc. On y avait pensé pour Qin mais bon… (moment de réflexion). Nous avons remarqué que la tendance actuelle allait vers le prépeint, et le prépeint cela coute très cher. Nous estimant peu experts en la matière, nous avons préféré nous orienter vers une autre initiative qu’est la sortie de romans consacrés aux univers de nos jeux de rôle. Pour ce qui est e la figurine, je pense que le problème est que ni Florrent, ni moi-même, sommes figurinistes.
Bastable : au niveau des romans Qin, la gamme va se développer ?
Neko : oui, bien sûr. Tout d’abord, il y a une trilogie. Et il y aura surement d’autres créations. Puis, nous allons surement éditer des romans Kuro. Le Secret des Masques, le premier tome de la trilogie, a vraiment bien marché.
Bastable : merci Neko, et bonne continuation.
Neko : merci à toi
Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 18h15
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