Critique Fantasy Realms [2021]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le vendredi 26 août 2022 à 08h00

Petite taille, grande rejouabilité

Fantasy Realms n’est pas tout à fait une nouveauté, puisque le titre est disponible en français depuis la fin de l’année dernière. La boîte est d’ailleurs passée tout près de la consécration, en décrochant une nomination au SPIEL millésime 2021.

Eh oui, car autant divulgâcher le suspens tout de suite : Fantasy Realms est une jolie petite surprise, le genre de titre que vous auriez tort de ne pas essayer ! Il repose sur une mécanique originale de construction de main : on part avec 7 cartes que l’on va progressivement échanger avec ses camarades afin de maximiser leurs synergies – et les points qui vont avec.

Bref, c’est frais, c’est fun et ça s’apprend en 5 minutes, tout en restant suffisamment profond pour assurer une bonne rejouabilité sur le long terme. Que demander de plus ?

Cependant, le titre n’avait pas encore fait l’objet d’un test détaillé dans nos colonnes. C’est le moment de réparer cette terrible injustice, alors que sa première extension intitulée le trésor maudit vient tout juste d’arriver en boutique. Le test de cette dernière ne devrait d’ailleurs non plus pas tarder.

Un jeu de carte vendu en boîte parce que c’est plus classe (et plus cher)

La boîte de Fantasy Realms contient, en tout et pour tout, un paquet de 53 cartes, un gros bloc de score et un livret de règle. Rien à redire dans le cas présent : d’une, c’est cohérent avec un prix de vente situé aux alentours des 20€, et de deux l’ensemble du matériel laisse une impression flatteuse. Les cartes sont par exemple incluses dans un petit étui cartonné très classe. Ça n’a l’air de rien, mais ça évite que le matériel ne valdingue dans la boîte lorsqu’on le transporte. Le bloc de feuilles de marque fait un bon centimètre d’épaisseur, vous n’êtes donc pas près d’arriver au bout.

Les illustrations sont de bonne facture, et chaque carte bénéficiant de son petit visuel. La lisibilité est également impeccable, y compris lorsqu’on joue le soir sous un éclairage tamisé. En revanche, l’ensemble reste ultra-classique. Les illustrateurs n’ont pas cherché à donner une identité forte au titre. A l’inverse, ils se sont plutôt efforcés de réaliser quelque-chose de suffisamment consensuel pour parler à tout le monde. Je trouve perso que la palette de couleur est un poil tristounette, ce qui donne un petit cachet vintage au jeu – à vous de voir si vous appréciez ou pas. Bref, la direction artistique fait correctement le taf’, à défaut de laisser un souvenir impérissable.

Les règles tiennent en 8 pages format A5, et encore en écrivant gros avec des illustrations un peu partout. Les règles proprement dites prennent moins de 2 pages, une prouesse pour un jeu de ce calibre.

Aucun problème de traduction foireuse n’est à recenser, que ce soit dans les cartes ou dans les règles. La plupart quelques contradictions potentielles font l’objet d’une clarification en fin de manuel. Pour les autres, nous avons pu les lever en discutant, sans jamais avoir eu besoin d’aller faire un tour sur les forums de Trictrac / BGG en cours de jeu.

Le manuel est dispo en version PDF sur le site de Don’t Panic, mais étrangement pas la feuille de marque. Il existe cependant une appli en ligne, disponible à cette adresse, qui calcule automatiquement votre score en quelques clics. C’est officiel, extrêmement bien fait et en français : vous auriez tort de ne pas l’utiliser !

Univers médiéval fantastique générique n°4956

Voici le petit speech d’introduction du jeu, directement extrait du manuel :

« Vous êtes le dirigeant suprême d’un pays lointain. Votre but : construire le royaume le plus puissant du monde. Vous pouvez lever une extraordinaire armée qui écrasera tous vos adversaires, mais ce n’est pas la seule stratégie pour atteindre la victoire. Votre royaume peut aussi prendre la forme d’un volcan en éruption, ou d’un ouragan qui détruira tout sur son passage. Peut-être amasserez-vous une impressionnante collection d’armes ou d’objets magiques. Peut-être manipulerez-vous un puissant sorcier au fin fond d’une forteresse sur une île inaccessible, entourée de flammes infranchissables… Vous avez le choix : il n’existe pas deux royaumes semblables. »

Je trolle en disant que l’ensemble est générique au possible. Pour être exact, disons plutôt qu’il est paradoxal. Côté pile, les auteurs ont fait très sérieusement leur taf’ : le pouvoir de chaque carte est cohérent avec son nom, et on sent qu’ils ont cherché à maintenir la cohérence de l’ensemble.

Côté face, en revanche, tout est vu et revuL’univers, pour soigné qu’il soit, fait appel à toutes les figures imposées du bon petit jeu médieval-fantastique sans jamais chercher à sortir des sentiers battus.

D’où le fameux paradoxe : Fantasy Realms bénéficie d’un univers bien travaillé et intégré au système de jeu, mais on a bien souvent l’impression d’être en face d’un jeu à pure mécanique.

Izi to learn…

Voyons maintenant comment on joue. On commence la partie avec 7 cartes en main. Le premier joueur pioche une carte du paquet, puis défausse une carte de son choix afin de rester toujours avec une main à 7. Les cartes de la défausse sont placées face visible au centre de la table, afin que tout le monde puisse les voir.

Le joueur suivant peut, au choix, piocher une nouvelle carte du paquet ou récupérer n’importe quelle carte de la défausse. Là encore, il doit abandonner une carte de sa main afin de rester à 7.

On passe au joueur suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il y ait dix cartes dans la défausse – auquel cas la partie s’arrête immédiatement.

Tout le monde étale sa main devant lui et commence à compter ses points, carte après carte. Chacune d’entre elle possède une force de base comprise entre 0 et 40. En théorie, c’est le nombre de points de victoire qu’elle est censé rapporter. Cependant, les cartes bénéficient d’un bonus et/ou d’un malus qui vont venir modifier ce score de base, parfois de manière importante. La baguette magique, par exemple, rapporte 1 seul misérable petit point, mais ce total monte à 26 si vous avez au moins un sorcier dans votre équipe.

Les cartes dotées d’un malus vont le plus souvent « masquer » d’autres cartes. Une carte masquée ne rapporte pas de point. De fait, soit on s’arrange pour avoir des cartes qui ne s’annulent pas les unes les autres, soit on récupère des cartes permettant de se protéger contre ces effets négatifs.

Bref, il y a des interactions et des synergies dans tous les sens, au point où on en perd parfois son latin. L’étape de comptage nécessite donc un peu de rigueur. Le bloc-notes aide bien pour cela (il sépare clairement les points de base et de bonus de chaque carte) mais l’ensemble est assez fastidieux. L’appli en ligne, encore une fois, est chaudement recommandée.

Une fois que tout le monde a compté ses points, celui qui a la plus grosse (main) est déclaré vainqueur.

… Hard to master

Les mécaniques sont ultrasimples, et s’apprennent en moins de 5 minutes. Il est même possible de commencer sans présentation préalable : on distribue 7 cartes, et c’est parti ! Mais cette apparente simplicité est trompeuse…

Autant l’avouer tout de suite, les premières parties ne sont pas forcément évidentes, vu que tout repose sur des associations de cartes que l’on ne connaît pas. Il faut compter au minimum 1h de jeu, soit 3 à 4 manches, pour se faire une bonne vue d’ensemble. A ce moment-là, on commence à identifier quelques synergies intéressantes. Les scores passent gentiment de la zone des 100 points à celle des 200, c’est une progression sensible et valorisante. A partir de là, on étoffe progressivement son panel de stratégies, mais c’est surtout la chance qui départagera le vainqueur.

Le nombre de tour va dépendre de la propension des joueurs à échanger. Rappelez-vous que la partie prend fin dès qu’un joueur pioche la dixième carte de la pile. Si personne ne touche aux cartes défaussées par ses petits camarades, la partie durera donc moins de 2 tours ! En général, on a l’occasion de changer 3 ou 4 cartes, rarement plus. De fait, on reste fortement tributaire de sa main de départ. Pour gagner à Fantasy Realms, il est donc nécessaire de prendre des risques dès le début, en faisant des hypothèses sur les cartes qui ont le plus de chance d’être défaussées.

Le feeling général du titre est proche du poker, finalement. On bluffe, on force la chance, on devine le jeu des adversaires en voyant ce qu’ils ne prennent pas et/ou ce qu’ils récupèrent.

Très bon point, les parties se ressemblent finalement assez peu : il n’y a pas deux ou trois stratégies craquées que l’on répète ad nauseam. Certaines cartes sont vraiment puissantes, et rapportent quasi systématiquement la victoire si on arrive à maximiser leur bonus. Mais elles ne sont pas simples à placer, justement ! Et lorsqu’on y arrive pas, la dérouillée est fréquemment au rendez-vous avec des écarts au score qui peuvent parfois atteindre facilement les 100 points.

La part de chance reste très importante, ce qui en rebutera certains. Heureusement les parties sont courtes (entre 10 et 20 minutes). Après une grosse défaite, il est donc fréquent – qui a dit impératif ? – de s’en relancer une petite afin de laver l’affront dans le sang. Des fois ça marche, des fois ça vire à l’epic fail… Mais ce n’est pas grave vu qu’on enchaîne les parties avec beaucoup de fluidité et de naturel. C’est le jeu d’étudiant parfait, le genre de truc qu’on ponce avec une bande d’ami.e.s jusqu’à le connaître par cœur.

La simplicité des mécaniques fait qu’on peut sans problème le ressortir une fois de temps à autre sans qu’il n’y ait besoin de rééexpliquer les règles à chaque fois, c’est là encore un luxe appréciable.

En revanche, la courbe de progression est telle que le jeu n’est pas adapté si vous accueillez en permanence de nouveaux joueurs à votre table. Des débutants n’ont tout simplement aucune chance face à des joueurs aguerris.

Le feeling des parties, pour finir, est très différent selon le nombre de joueurs. A deux, le mode de distribution des cartes change. Perso, je n’aime pas cette configuration car je trouve qu’elle dénature complètement l’esprit du jeu. Cependant, de nombreux joueurs de BGG jouent principalement dans ce mode et considèrent que c’est là où le jeu est le meilleur. A vous de vous faire votre propre avis.

A 5 ou 6, la quasi-totalité des cartes vont être utilisées. De fait, il va plutôt falloir regarder si un autre camarade essaie de faire le même combo que vous (auquel cas vous allez vous vautrer tous les deux). De même, il arrive fréquemment de conserver des cartes moyennement intéressantes afin de bloquer chez vos adversaires. Cette configuration nécessite donc une meilleure maîtrise du jeu, avec une baisse de rythme assez sensible.

A 3 ou 4, vous ne verrez que les deux tiers des cartes dans une partie. L’influence de la chance est donc plus importante, car la carte que vous attendez ne sera peut-être tout simplement pas accessible. Pour moi, c’est dans cette configuration où le titre est plus agréable à jouer.

L'essentiel en quelques mots

Public cible : joueur réguliers
Le titre est simple à apprendre, mais complexe à maîtriser.  

Nombre de joueur : 2 à 6, recommandé entre 2 et 4.
Le titre tourne très bien quel que soit la configuration. Entre 2 et 4 joueurs, l’influence de la chance est plus sensible. Au-dessus, ce sera votre capacité à lire le jeu de vos adversaires.

Durée de partie : 15 à 20 minutes
En pratique, multipliez-ça par 3 ou 4 histoires de caler la revanche et la belle.

Interaction : compétitif, interaction moyenne et indirecte
On a absolument aucune influence sur le jeu des autres, mais on apprend à reconnaître les combos que ses adversaires essaient de monter – et à les planter là où ça fait bien mal.

Rejouabilité : excellente
Les stratégies variées, les parties se ressemblent finalement assez peu. C’est le jeu d’étudiant parfait, le genre de truc qu’on ponce avec une bande d’ami.e.s jusqu’à le connaître par cœur.

Courbe de progression : comptez 3 / 4 parties (1 heure) pour commencer à bien faire le tour des cartes
Le jeu repose sur des interactions dans tous les sens, il faut donc un peu de temps – et de pratique – pour faire le tour des possibilités offertes. Ensuite, on affine sa stratégie à la marge de partie en partie mais le sentiment de progression est moins sensible.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Fantasy Realms [2021]

Auteur Gaetan G.
85

Honnêtement, je suis toujours surpris par les trésors d’inventivité que l’on trouve dans les boîtes à 20€, et qui permettent aux auteurs de transcender des moyens souvent modestes.

Prenez Fantasy Realms, par exemple : avec quelques cartes et un bloc-notes, le titre parvient à nous offrir un jeu de construction de main original et facile à prendre en main. On part avec 7 cartes, et on en échange une par tour soit avec une carte tirée de la pioche, soit avec une carte délaissée par un adversaire lors d’un tour précédent. Les cartes ont des interactions – positives et négatives – dans tous les sens, à nous de trouver et de développer les meilleures synergies.

Comme on l’a dit tout au début de cette chronique, c’est frais, c’est fun et ça s’apprend en 5 minutes, tout en restant suffisamment profond pour assurer une bonne rejouabilité sur le long terme.

Sans aller jusqu’à dire que Fantasy Realms est un titre expert, disons qu’il demande quand même un peu d’investissement préalable avant de commencer à en profiter pleinement. On parle d’une heure ou deux : c’est peanuts quand on joue plus ou moins toujours avec les mêmes joueurs, en revanche c’est rédhibitoire quand on accueille à chaque fois de nouveaux participants autour de la table.

A ce léger bémol près, vous auriez tort de passer à côté. Pour à peine le prix de deux kébabs, c’est le genre de petite boîte qu’il est toujours bon d’avoir dans un un coin de son armoire à jeu.

On a aimé

  • Hyper facile à transporter (un paquet de carte, et un smartphone pour le comptage via l’appli officielle)
  • Un principe original et bien troussé
  • Bonne profondeur stratégique
  • Excellente rejouabilité
  • Addictif, on se retrouve vite à enchaîner les parties. Le jeu parfait pour une bande d’étudiants qui voudrait rater son année

On a moins bien aimé

  • Une direction artistique un peu vieillotte et tristounette (mais qui passe partout).
  • Le calcul des scores à la main est fastidieux
  • Forte influence de la chance

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