Critique Alien Artifacts [2018]
Avis critique rédigé par Gaetan G. le vendredi 12 octobre 2018 à 09h00
la contre-critique
Je ne sais pas vous, mais j’ai une sympathie toute particulière pour les productions issues d’Europe de l’Est. Anachrony, la saga du Sorceleur (livre comme jeu vidéo), la vodka à l’herbe de bison : quels que soient ses goûts, on y trouve forcément quelque chose pour faire vibrer son petit cœur (ou détruire son petit foie).
Dans ces conditions, inutile de vous dire que je me suis jeté sur Alien Artifact, la dernière production de l’éditeur polonais Portal Games et distribuée par Matagot dans nos vertes contrées.
Mon sentiment sur le jeu était plutôt positif au départ, mais il s’est dégradé au fil des parties. Je n’avais pas prévu d’écrire dessus, mais j’ai découvert hier - tout comme vous - la chronique de mon collègue Christophe.
Je ne partage pas son avis, et n’y retrouve pas forcément les forces et les faiblesses du jeu telles que j’ai pu les voir. Je me permets donc de prendre ma plus belle plume pour vous donner ma propre vision.
Alors préparez-vous, parce qu’aujourd’hui c’est battle de chronique, clash entre rédacteurs de sci-fi, explication de texte façon Booba et Kaaris. Vous êtes prêt ? Ca tombe bien, c’est ici qu’on en parle…
Niveau matos : des cartes, des cartes et encore des cartes
Alien Artifact s’appuie exclusivement sur des cartes, et il y a de quoi faire puisque la boîte en contient 200. Rajoutez à ça quelques éléments additionnels (comme 5 plateaux individuels en carton fin, 1 par joueur, ou quelques tokens) et on a fait le tour du matériel.
Globalement, les cartes se classent en 6 types. Il y a :
- Les ressources ;
- Les technologies à découvrir ;
- Les vaisseaux à construire ;
- Les planètes à coloniser ;
- Les artefacts Aliens à piller ;
- Et enfin les cartes dédiées à la gestion des affrontements.
Graphiquement parlant, le jeu est très réussi. Tout ce qu’on attend d’un titre de S.F. est bien là : il y a des vaisseaux imposants, des planètes variées et des technologies à l’air bien badass qui donnent franchement envie…
Chaque carte est unique, même si on a au départ l’impression du contraire. Par exemple, la boîte comporte 40 cartes vaisseaux. De loin, on a l’impression qu’il n’y a que 4 types différents, et c’est bien vu parce que cela permet de les différencier d’un coup d’œil. De près, on découvre que chaque carte est personnalisée (un vaisseau aura une tourelle d’arme en plus, un autre aura une couleur spéciale, etc.). Personnellement, j’apprécie le travail en finesse qu’il y a derrière.
De plus, oubliez les tons gris-bleus-marrons que l’on peut voir un peu partout : ici, les illustrateurs ont fait le choix de la couleur et des grands aplats. Les ressources, par exemples, utilisent des couleurs primaires bien flashy (rouge, bleu, vert et doré – en pratique une espèce de jaune orangé plutôt agréable à l’œil) pour un résultat est à la fois sobre et moderne. Et surtout, celui-ci reste en toute occasion lisible et efficace.
Par contre, le manuel est particulièrement mal fichu. Sur la forme, pourtant, tout est impeccable : il est bien soigné et bien aéré. Mais sur le fond, c’est autre chose. Les erreurs de traductions sont assez nombreuses, et elles sautent aux yeux. Plus gênant, on ne comprend pas tout à la première lecture. Je vous conseille donc de lire les règles une première fois, de ne pas vous stresser plus que cela, de faire un tour ou deux pour comprendre comment ça se passe dans les grandes lignes et puis de reprendre à zéro. Une fois que c’est fini, profitez-en pour faire un petit détour par la lecture de la FAQ sur Internet, histoire de clarifier les derniers points en suspens. C’est d’autant plus étonnant que le jeu est simple, en fait, et que rien ne justifie cette complexité apparente. Dommage, mais c’est hélas un défaut de plus en plus récurrent sur les jeux…
La mécanique s’apprend rapidement et permet des tours très rapides
D’un point de vue mécanique, une partie d’Alien Artifact se décompose en une multitude de tours extrêmement rapides et sur un mécanisme appelé « moteur à ressources ».
Un joueur doit toujours commencer son tour avec 3 cartes ressources en main. Il complète sa main s’il en a moins ou s’il souhaite se débarrasser d’une partie d’entre elles. Ensuite, il peut réaliser une action et une seule, puis on passe au joueur suivant et ainsi de suite jusqu’à la fin de la partie.
Les actions disponibles sont assez classiques et intuitives :
- vendre une ou plusieurs ressources pour récupérer des crédits
- utiliser vos crédits pour acheter une carte
- utiliser ses ressources pour construire une carte précédemment achetée (c’est à ce moment seulement qu’elle devient utilisable)
- Lancer une offensive sur la race neutre du jeu (nommée avec beaucoup d’originalité les Aliens) ou sur la colonie d’un autre joueur
Comme dans Roll for the Galaxy, chaque carte vaisseau / technologie / planète présente deux faces différentes. La première est dite « logistique ». Elle va vous aider à vous développer, par exemple en vous apportant des ressources supplémentaires, en diminuant le coût d’achat de certaines cartes ou vous donnant un bonus à la réalisation d’une action. La seconde est dite « opérationnelle ». Elle est dédiée au scoring de points de victoire, parfois immédiatement mais le plus souvent en fin de partie.
Les combats, en pratique, ressemblent plus à des raids. Vous commencez par choisir le ou les vaisseaux qui vont participer à l’attaque. Pour chaque vaisseau, vous retournez la première carte du paquet de ressource. Chacune d’entre elle comporte un nombre entre 1 et 4 : c’est l’attaque de base. Vous y ajoutez les éventuels bonus du vaisseau et ceux de vos cartes technologies, le total donne la valeur d’attaque finale. Plus ce score est gros, plus vous retirez de points de victoire de l’attaque et plus vous pénaliserez votre cible. Si vous envoyez 4 vaisseaux, vous devrez mener successivement 4 attaques.
Un combat victorieux contre les Aliens permet de récupérer un artéfact (des cartes très puissantes à usage unique). Un combat victorieux contre un adversaire permet de placer des jetons « blocage » sur de ses cartes. Une carte bloquée est inutilisable tant qu’on ne paie pas une petite somme en crédit pour la réparer.
Le jeu prend fin lorsque le paquet de ressources a été mélangé un certain nombre de fois (4x pour 4 joueurs, par exemple).
Un jeu d’optimisation plus qu’un 4X
Alien Artifact est un jeu franchement déroutant. On pourrait croire que le jeu, comme tout bon 4X qui se respecte, est centré sur la création de son petit empire spatial en partant de zéro. En pratique, ne n’est absolument pas du tout le cas… Le jeu tourne autour du fameux « moteur à ressource » dont on a parlé plus haut, qu’on devrait plutôt appeler « usine à PV ».
L’objectif va être de mettre en place le circuit le plus efficace pour farmer les points de victoire. En pratique, le jeu offre de nombreuses stratégies pour ça. Vous pouvez par exemple construire une flotte de combat et rançonner vos adversaires et/ou les Aliens. Vous pouvez coloniser de la planète en masse, et vous servir des ressources découvertes pour acheter à moindre frais les cartes de scoring Kinvonbien™. Vous pouvez aussi vous centrer sur les technologies et acheter celles qui vous permettront d’être le plus efficace. Vous pouvez choisir de vous concentrer sur un tout petit empire, en marquant peu de points mais régulièrement pendant la partie. Vous pouvez également consacrer vos ressources au développement pendant 90% du jeu, et marquer masse de points de victoire dans les derniers tours seulement au moyen de quelques cartes sélectionnées. Il y a donc de quoi faire, et cette variété est bonne pour la rejouabilité.
Mais plutôt de considérer Alien Artifact comme un 4X jouable en une heure, il est préférable de le voir comme un jeu d’optimisation et de ressource prenant place dans un décor spatial. Les 4 « X » (l’exploration, l’expansion, l’extermination et l’exploitation) sont bien présents dans les mécaniques, mais ils ne sont pas au centre du jeu. Dans Alien Artifact, on est là pour rechercher le combo ultime et la synergie complètement pétée. Ce n’est pas un défaut, clairement, mais certains pourront être un peu déçu.
C’est finalement toute la frustration de ce jeu. Il offre une belle palette de possibilités, vous permet de bâtir un chouette empire galactique mais dans le même temps il vous explique que ce n’est pas l’objectif. De e fait, je trouve que le thème de la conquête spatiale est un peu sous-exploité.
Autre caractéristique à connaître : le jeu n’offre pas beaucoup d’interaction entre les joueurs. Ca plaira aux optimisateurs fous qui aiment construire leur petit truc dans leur coin sans qu’on puisse venir casser leur beau jouet, mais cela conviendra moins à ceux – comme moi – qui recherchent des gameplays avec une forte composante d’affrontement. Même la mécanique de combat se situe dans cette veine. A la fin d’une bataille, le perdant va subir quelques malus. Au pire, il devra consacrer quelques tours à réparer mais ça ne va pas beaucoup plus loin (sauf en fin de partie, mais on reparlera un peu plus bas). Il n’y a donc pas de risque que la partie dérive en guerre totale entre les joueurs.
La chance est un facteur important dans le jeu, mais pas un facteur déterminant. Il y a 40 cartes dans chaque pile, mais au final elles se déclinent en 4 types différents seulement. On tombe donc assez rapidement sur la carte que l’on cherche, et on n’a jamais l’impression de se faire souffler la carte de la victoire.
Chaque carte de la pile technologie a un verso unique, par contre. Mais celui-ci est caché, et il y en a tellement qu’il est impossible d’anticiper sur ce qu’on va piocher. Il est donc préférable d’en prendre assez tôt dans la partie, et de construire sa stratégie en fonction.
De gros soucis d'équilibrage
Mon sentiment sur le jeu est plutôt positif : la mécanique derrière est franchement bien fichue et offre de nombreuse possibilité pour monter de belles usines à PV. La plupart des stratégies proposées par le jeu sont viables, et c’est un véritable tour de force vue la variété mise à disposition.
Mais ça n’empêche pas le jeu d’avoir quelques (gros) défauts qui peuvent ruiner l’expérience de jeu. Commençons par l’équilibrage: les gens polis vous diront qu’il est perfectible, j’aurais plutôt envie de vous dire qu’il est complètement aux fraises. Parce qu’on peut retourner le problème dans tous les sens, mais certaines cartes de scoring sont mathématiquement moins intéressantes que d’autres….
Et puis surtout, les stratégies offensives sont beaucoup trop fortes en fin de partie. Imaginez un joueur qui dispose d’une flotte de 5 ou 6 vaisseaux, avec les cartes de technologies qui vont bien pour renforcer sa puissance militaire. S’il attaque un autre joueur dans les 2 ou 3 derniers tours, il va lui bloquer un grand nombre de cartes. Souvent, il va en profiter pour lui piquer au passage des points de victoire et des crédits, histoire de complexifier un peu plus la reconstruction de son adversaire. Inutile de vous dire qu’un joueur un peu taquin choisira de bloquer essentiellement les cartes « opérationnelles » de sa victime, réduisant à néant tout ce qu'il a mis en place depuis le début de la partie. En théorie, c'est temporaire mauis encore faut-il avoir les crédits - et le temps - pour réparer tout ça. Pour le dire pudiquement (et pour l’avoir vécu), disons que ça picote sévèrement et qu’une large victoire peut se transformer brutalement en taulée des familles.
Dans l’absolu, il existe des plans de défense pour augmenter sa protection aux attaques. Et il suffit d’avoir assez de crédits pour payer le déblocage de ses cartes. Certes, cela limite les risques mais il n’est pas possible de se protéger de tout. Et puis que faire si c’est le dernier tour et si l'apprenti Kim Jong-Un joue après vous ?
Ce qui m’amène à une carte bien particulière qui résume à elle seule tous ces soucis : « boucle temporelle ». Il s’agit d’un artefact qui offre à son possesseur trois tours additionnels après la fin de partie, mais avant le comptage des points. Le joueur agressif du dessus, par exemple pourra attaquer une fois chaque adversaire, comme ça, ne le remerciez pas c’est cadeau.
Elle permet très souvent de faire des renversements de situations complet juste avant de déterminer le vainqueur, ce qui donne un côté injuste aux parties. Et c’est dommage dans un jeu qui propose de mettre en place la meilleure « usine à points ». Parce qu’au final, celui qui gagne c’est souvent celui qui pioche « boucle temporelle ». Ironiquement, le jeu en a conscience puisque la carte indique « c’est le plus grand avantage que nous puissions avoir aujourd’hui ». C’est donc une assez bonne idée de la laisser dans la boîte.
Un dernier point sur le rythme, pour finir. Le jeu se décompose, comme on l’a dit, en une multitude de tours. En théorie, la plupart d’entre eux sont très rapides : une action nécessite souvent deux ou trois mouvements préparatoires, et on planifie son jeu plusieurs tours à l’avance. Comme le niveau d’interaction est faible, on est rarement impacté par ses adversaires et on peut dérouler sa stratégie tranquillement. Si tout le monde est efficace, une partie dure entre 1h et 1h30, et le jeu est vraiment agréable dans cette durée. En pratique, il suffit d’un joueur un peu lent pour allonger démesurément le rythme des parties. J’ai vu des matches durer jusqu’à un 3h30 / 4h, ce qui est franchement interminable, limite pesant… Sélectionnez donc bien vos partenaires, ou boostez-les par exemple au moyen d’un sablier de 30 secondes ou une minute.
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : Alien Artifacts [2018]
Alien Artifact est un jeu de développement spatial doté d’indéniables qualités. Il est joli, tout d’abord, avec un traitement graphique très soigné et agréable à l’œil. Il offre également une mécanique riche et intéressante, dotée une excellente rejouabilité. C’est un chouette bac-à-sable, dans lequel on prend beaucoup de plaisir à monter progressivement sa petite « usine à points de victoire ».
Hélas, il valorise dans le même temps les sales gosses qui vont détruire votre construction d’un ou deux coups de pieds vicelards, juste avant le coup de sifflet final. Ce défaut réduit énormément le plaisir de jeu, et laisse comme un arrière-gout d’injustice. Vous allez le subir une fois, peut-être deux et Alien Artifact risque bien de finir tout au fond de votre armoire à jeu. C'est dommage, d’autant que le niveau d’interaction réduit entre les joueurs le destine surtout à ceux qui aiment faire leur petit truc dans leur coin, un public par définition assez sensible à ce genre de problème.
Mais encore une fois, Alien Artifact est plutôt agréable et invite à l’expérimentation. La boîte est sympa quand on la sort une fois de temps en temps, mais on se rappelle vite pourquoi on n’y joue pas plus souvent. Pas sûr qu’il atteigne au fil du temps la même réputation que les productions précédentes du studio…
On a aimé
- Une belle mécanique d'optimisation
- Visuellement très soigné
- Parties courtes (environ 1h / 1h30)
On a moins bien aimé
- Problèmes d'équilibrage
- Fin de partie chaotique (vous pouvez vous faire détruire votre jeu en quelques tours)
- Thème du 4X finalement anecdotique...
- Interactions limitées entre les joueurs
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