Critique Batman, le Chevalier Noir Intéragle - Tome 1 [2019]

Avis critique rédigé par Bastien L. le mercredi 4 septembre 2024 à 09h00

Classique certes, mais terriblement bon

Quand on aborde une nouvelle histoire d'un héros aussi usé que Batman on se demande si on va y trouver de nouvelles approches, des (r)évolutions ou des relectures à travers de nouveaux artistes... Et parfois on prend plaisir à recevoir exactement ce à quoi on peut s'attendre avec Batman, le Chevalier Noir...

Cette série naît au début des années 2010 alors que l'éditeur DC Comics décide de relancer toutes ses séries phares de super-héros dont Batman à travers plusieurs titres notamment un confié au dessinateur (et occasionnellement scénariste) canadien David Finch (Moon Knight, Les Vengeurs...). Prenant place dans ce qui est appelé la Renaissance DC, la série Batman, le Chevalier Noir va connaître 4 principaux arcs sortis entre 2012 et 2015 avec des scénaristes comme dessinateurs se succédant même si David Finch semble superviser le tout. Il adopte d'ailleurs la double casquette de dessinateur et de scénariste sur le premier arc avec l'aide de Paul Jenkins (Wolverine : Les Origines...) comme co-scénariste afin de créer des histoires aussi sombres que violentes dans des ambiances assez désespérées. La France eut par ailleurs la chance, grâce à l'éditeur Urban Comics, d'avoir le droit à des sorties assez rapides de cette série Le Chevalier Noir divisée chez nous en 4 tomes puis ressorties en deux intégrales en 2019. Le premier intégrale comprend donc les deux premiers tomes (Terreurs Nocturnes et Cycle de violence) pour un joli pavé de près de 350 pages. A noter que lors de la fin du premier confinement lié au Covid-19 en 2020, Urban Comics sortit une dizaine de récits complets à prix cassé (4,90 euros) dont le premier Intégrale ici critiqué.

La première longue histoire de l'intégrale, scénarisée par Paul Jenkins et David Finch qui en est aussi le dessinateur, s'intitule Terreurs Nocturnes. Elle met en scène Gotham en proie à l'évasion des plus dangereux résidents de l’asile d'Arkham qui vont donner du fil à retordre à Batman. En effet, il va devoir affronter ses pires ennemis qui semblent bien plus puissants et enragés qu'à l'accoutumé dont Double-Face. Néanmoins ce dernier n'arrive pas à terminer leur combat tombant inconscient démontrant que les vilains sont sous l'effet d'une puissante toxine. Batman ne manque pas de suspects potentiels à commencer par une étrange jeune femme habillée en petite tenue et déguisée façon bunny girl... Il va absolument devoir enquêter et faire appel à toute l'aide possible pour découvrir l'origine de la toxine comme remettre les criminels derrière les barreaux. En parallèle, Bruce Wayne fait la rencontre de la sublime Jaina Hudson se demandant une nouvelle fois s'il va pouvoir concilier amours et identité secrète...

Terreurs Nocturnes est une histoire assez surprenante dans le sens où elle avance à cent à l'heure enchaînant les péripéties, rencontres et combats à un train d'enfer. Peut-être un peu trop par moments... Mais elle s'avère néanmoins très efficace car très divertissante et dotée d'une grande qualité : elle correspond parfaitement à l'idée qu'on se fait d'une histoire de Batman avec sa galerie de méchants comme les introspections tourmentées de Bruce Wayne qui permet de développer le thèmes de la peur qui prend différentes formes et qui agit différemment selon les personnes ou les situations. Sans oublier les effets souvent indésirables de sa trop grande présence comme de son absence. Rien de bien novateur quand il s'agit de Batman mais cela est traité de fort belle manière. On sent vraiment que les créateurs se sont fait plaisir pour nous faire plaisir à rependre tout ce qui fait le sel des aventures de Batman dans une approche sombre et violente avec l'intervention de nombreux personnages iconiques de l'écurie DC Comics qu'on vous laisse découvrir. De nombreux passages renvoient aux plus grandes aventures du justicier et l'ensemble se savoure finalement comme une réelle gourmandise qu'on l'on connaît certes par cœur. Une gourmandise par ailleurs sublime...

 

David Finch nous démontre l'étendu de son talent durant les 9 chapitres qui composent son histoire. On ne sait par où commencer tant il nous assomme avec ses pleines et doubles-pages mettant en scène des batailles dantesques ou des arrivées remarquables de nouveaux protagonistes... Le tout dans un style purement comics et contemporain avec des personnages quasiment tous (hommes comme femmes) gaulés comme des dieux ou des affrontements où le sang gicle abondamment. Les différents combats apportent toujours de nouvelles idées et Finch n'hésite pas flirter avec le gore par moments histoire de donner un peu plus d'impact à son œuvre... Le dessinateur ne semble jamais vouloir tomber dans la facilité avec des décors toujours détaillés ainsi que des découpages dynamiques en diable offrant différentes approches. Le seul petit bémol s'il fallait en trouver un est des proportions parfois curieuses sur certains personnages... Pour ce qui est de la coloration qui louvoie entre le sombre et le chaud, c'est là encore du très efficace. Bref, une œuvre qu'on aime feuilleter juste pour se prendre un concentré de Batman dans les mirettes.

Au milieu de l'intégrale, se situe une courte histoire intitulée En Pleine Folie. Scénarisé par l'Américain Joe Harris et dessinée par le Brésilien Ed Benes, le récit semble agir comme un intermède entre deux gros arcs de la série. Et malheureusement cela se ressent. Non pas que cela soit foncièrement mauvais, c'est surtout assez oubliable. On assiste à l'affrontement entre Batman et le Chapelier Fou alors que ce dernier a réussi à trouver le moyen d’insuffler des pensées suicidaires extrêmement violentes aux habitants de Gotham. Le récit permet aussi de prolonger une sous-intrigue concernant le commissaire Gordon visé par une enquête de la police des polices... Joe Harris livre une intrigue aussi efficace que quelconque qu'on oublie assez vite sans pour autant la lire avec déplaisir. De son côté, Ed Benes offre un travail dans la lignée de David Finch avec une approche un peu plus sèche des personnages et dépouillée des décors. Cela reste agréable à l’œil avec un très bon dynamisme.

La dernière, et longue, histoire de l'intégrale est Cycle de violence. Elle est l'affaire de Gregg Hurwitz (Punisher, La Vengeance de Moon Knight...) qui est aussi un spécialiste des thrillers en roman ce qui n'est pas ici anodin. David Finch revient quant à lui aux dessins cette foi-ci accompagné de Mico Suayan et de l'Espagnol Juan Jose Ryp (Black Summer, No Hero...). On suppose que cette assistance s'est surtout faîte sur le très bon interlude racontant le traumatisme initial et la jeunesse de Bruce Wayne. Le reste de l'intrigue se concentre sur l'enquête que doit mener Batman suite à la disparition (puis réapparition inexpliquée) de jeunes filles kidnappées par l'Epouvantail semblant mener d'étranges expériences afin de préparer une nouvelle toxine encore plus dangereuse. En parallèle, Bruce Wayne entame une nouvelle relation sentimentale avec la pianiste ukrainienne Natalia tout en souhaitant réellement s'y engager malgré ses impératifs. De plus, il semble avoir de plus en plus de mal à communiquer avec son fils adolescent Damian faisant office de nouveau Robin. L'histoire permet aussi d'en savoir plus sur le passé et l'enfance de l'Epouvantail en parallèle avec ceux de Bruce Wayne...

L'intrigue de Gregg Hurwitz emprunte beaucoup aux thrillers mettant en scène des tueurs en série avec une ambiance assez 70's. On quitte la profusion de personnages du premier arc pour se concentrer principalement sur cet affrontement assez original entre l'Epouvantail et Batman qui pourra toujours compter sur ses alliés habituels. Un affrontement finalement assez psychologique entre deux âmes traumatisées qui devront surpasser leurs blocages mentaux pour triompher. Et quand les coups portent, ils sont peu nombreux mais semblent faire bien plus mal que d'habitude. L'histoire nous entraîne par ailleurs loin du cœur urbain de Gotham avec ses artères sombres pour nous plonger dans une banlieue pavillonnaire ayant connu des jours meilleurs. Le traitement de l'Epouvantail fait penser aux récits de tueurs en série avec les enlèvements de victimes ayant de fortes ressemblances entre elles, ses différentes planques dans des endroits à l'apparence tranquille comme son traumatisme initial. Le tout avec le côté récit de super-héros en plus ce qui fonctionne à merveille. Une nouvelle fois, la peur est le thème le plus abordé dans le récit que cela soit celle primaire du traumatisme d'enfant ou la peur comme pouvoir quand on peut contrôler celle des autres ou être maître de la sienne. Une nouvelle fois, des thématiques assez classiques pour du Batman mais qui sont ici très bien traitées. Enfin on apprécie grandement le traitement assez complexe aussi grotesque, inquiétant que parfois poignant du personnage de l'Epouvantail.

 

En ce qui concerne les dessins qui sont principalement de David Finch, je serai bien incapable de dire à quel niveau il a été assisté ou remplacer par Mico Suayan et Juan Jose Ryp si ce n'est sur l'interlude évoquée plus haut qui bénéficie bien de dessins différents. Sinon que rajouter de plus au travail de David Finch qui a déjà été dit plus haut ? Il faut une nouvelle fois saluer le talent du Canadien qui s'adapte parfaitement à cette nouvelle histoire qu'il rend plus poisseuse arrivant à donner une âme inquiétante à de vieux pavillons en bois où se déroulent de nombreuses parties de l'intrigue. Il donne un aspect chétif et biscornu à l'Epouvantail tout en allant plus loin dans le gore et le sale comme le prouve la planche ci-dessus. Les combats brutaux et sanglants prennent une nouvelle dimension avec un découpage toujours aussi dynamique. Et on reste toujours aussi admiratif de la qualité des décors tout en en prenant plein les yeux à travers de sublimes pleines ou double-pages.

La conclusion de à propos de la Bande Dessinée : Batman, le Chevalier Noir Intéragle - Tome 1 [2019]

Auteur Bastien L.
83

Cet intégrale de la série Le Chevalier Noir est une réussite grâce à deux histoires chapeautées par David Finch qui offrent deux ambiances assez différentes tout en proposant une vision sombre et violente de Batman. Les histoires sont certes très classiques comme assez référencées mais cela fonctionne dans le sens où l'on se régale avec des récits de Batman nous offrant exactement ce qu'on est venu chercher. Alors si en plus les dessins sont aussi sublimes...

Dernières critiques de Bastien L.
Critiques de BD de Bastien L.

On a aimé

  • Les dessins de David Finch
  • Un concentré très satisfaisant de Batman voire de DC Comics
  • L'approche thriller horrifique de Cycle de violence

On a moins bien aimé

  • Très classique
  • La courte histoire un cran en dessous
  • Quelques proportions curieuses parfois
► la Bande Dessinée Batman, le Chevalier Noir Intéragle - Tome 1
► L'oeuvre Batman

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